Excès d'enthousiasme, coup de pub calculé ou propos mal interprétés... Une chose est sûre, les déclarations de John Grotzinger, l'un des principaux responsables de la mission Curiosity, à la radio publique américain NPR mettent l'eau à la bouche. Selon lui, des résultats en provenance de l'outil SAM (Sample Analysis at Mars) du robot explorateur seraient de nature à "entrer dans les livres d'histoire", même s'ils nécessiteraient encore "quelques semaines de vérifications" pour faire l'objet d'une annonce officielle.
Une véritable petite bombe qui semble avoir suscité un vent de panique chez les scientifiques associés à la mission... Mercredi, Guy Webster, responsable des relations avec la presse au JPL (Jet Propulsion Laboratory, qui pilote la mission), a aussitôt tenté de minimiser ces propos. "John Grotzinger était ravi de la qualité des analyses sur les échantillons en provenance du robot alors qu'un journaliste était dans son bureau la semaine passée. Il a par le passé déjà été enthousiasmé par de précédents résultats, et il le sera de nouveau à l'avenir", a-t-il plaidé, jurant qu'aucune annonce fracassante n'était à ce jour envisagée. Quant à John Grotzinger lui-même, il aurait, selon nos sources, expliqué à ses collègues, un brin agacés, que ses propos avaient été déformés ou mal compris.
Pour le coresponsable de l'instrument SAM, le Français Michel Cabane du Laboratoire atmosphères, milieux et observations spatiales du CNRS (LATMOS), aucun scoop n'est effectivement à attendre, ni cette semaine ni même dans les prochaines. D'après lui, la technique utilisée, en elle-même, ne le permettrait pas. "Il ne s'agit pas du tout de regarder le sol de Mars et de dire : tiens, il y a une grenouille ou tiens, il y a un escargot. C'est un mécanisme d'analyse à double détente", explique-t-il. "On prend du sol de Mars ou de la roche martienne, on la réduit en poudre et on chauffe. On regarde alors les molécules dégagées, sous forme gazeuse, et on tente de les identifier. Et ce n'est qu'à partir de cela qu'on peut déduire la nature de l'échantillon lui-même. Mais on ne peut pas faire ça en une semaine ni même en un mois de manip ! C'est une interprétation qui demande du temps... un travail de longue haleine qui ne peut pas se traduire par un scoop comme ça", assure-t-il. "Toutefois, ce que nous pouvons dire à ce stade, c'est qu'après avoir parcouru quelque 200 millions de kilomètres SAM nous envoie des signaux qui ont la même qualité que ceux que nous avions produits sur Terre, lorsque nous avons fait des simulations en laboratoire. Et, en ce sens, nous sommes effectivement très satisfaits", indique le chercheur. "Nous avons fait des pelletages du sol de Mars, on en est au troisième, et nous allons en entreprendre un quatrième sous peu, ceux-ci nous ont donné des signaux parfaits, reste maintenant à les interpréter."
Mais si, d'aventure, SAM faisait une importante découverte, quelle pourrait-elle être ? Il s'agirait probablement de molécules organiques un peu complexes. C'est-à-dire de chaînes d'atomes de carbone avec, accrochés autour d'elles, des atomes d'hydrogène, d'oxygène, d'azote, de phosphore, etc. C'est-à-dire la base d'une chimie complexe. Mais ce ne serait pas encore une preuve que la vie s'est développée sur Mars, car cette matière organique pourrait très bien avoir été apportée là par des météorites. Il faudra alors s'assurer que ces molécules complexes se sont bien formées sur la planète rouge et, si c'est le cas, qu'elles proviennent d'un processus biologique et non purement chimique. En d'autres termes, la révélation de l'existence d'une vie passée ou présente sur Mars n'est assurément pas pour demain...