(John Emil List) Quarante ans avant,l "autre" affaire Ligonnès...
Dix-huit ans plus tard, John List est retrouvé en Virginie grâce à une émission de télévision consacrée à la recherche de criminels.
À 46 ans, John Emil List sent que sa vie s'enlise dans le New Jersey. Sa mère, qu'il loge, passe son temps à bouffer et à prier. Son épouse souffrant de syphilis commence à dérailler, ses mômes ne le respectent plus, ses créanciers s'impatientent. Pire encore, la banque qui l'emploie comme comptable depuis des années l'a viré voilà quelques mois. Bref, sa vie tourne au cauchemar. Surtout que, n'ayant pas osé avouer son licenciement à la maison, chaque matin il fait semblant de se rendre à son bureau, traînant en ville. Il s'endette, bientôt il lui faudra vendre son immense maison victorienne, certes délabrée mais qu'il adore. Sa famille sera mise à la rue. La déchéance, la honte ! Il n'a donc pas d'autre choix que de zigouiller sa mère, son épouse et ses trois gosses pour les expédier direct au paradis où Dieu prendra soin d'eux.
Il décide de passer à l'action le 9 novembre. Après le départ de ses enfants pour l'école, John List s'empare des deux pistolets qu'il a planqués dans sa voiture, puis revient dans la cuisine où sa chère épouse boit une tasse de café assise à la table, lui tournant le dos. Ah, sa brave Helen avec qui il vient de partager dix-neuf ans de sa vie. Il l'aime encore. Mais point de sentimentalité. Paf ! Il lui loge une balle dans la nuque. Elle s'écroule, morte sur le coup. Elle, si à cheval sur la propreté, arrose de son sang la table et le sol. Dommage qu'elle ne soit plus en état de nettoyer ses dégâts. Déçu, John se détourne pour monter au troisième étage, sous les toits, où sa mère vit dans un petit appartement. La vieille femme de 84 ans est en train de préparer son petit déjeuner. Elle se tourne vers lui. "C'est quoi ce bruit ?" Au lieu de répondre comme un fils bien élevé, il lève son bras et lui loge avec amour une balle au-dessus de l'oeil gauche. Le temps de s'effondrer, la vieille dame est déjà réceptionnée par saint Pierre. Pour un homme, la mort d'une mère est toujours douloureuse.
Comment les tuer en douceur tous les deux ensemble ?
Aussi John ne s'attarde pas et descend immédiatement dans la cave pour y chercher des sacs de couchage. Il en glisse un sous le corps de son épouse pour la traîner plus commodément dans la salle de bal. Il revient dans la cuisine, nettoie le sang pour que les enfants ne s'affolent pas lorsqu'ils reviendront de l'école. Puis il se rend au bureau de poste pour demander qu'on conserve le courrier de la famille durant plusieurs semaines pour cause d'absence et avertit les livreurs de lait et de journaux de suspendre leur service. C'est qu'il pense à tout, le petit homme. Il n'oublie surtout pas de faire un saut à la banque encaisser des obligations de sa mère. De retour à la maison, il téléphone à une voisine pour la prévenir de ne plus passer prendre ses fils le matin afin de les accompagner à l'école avec le sien. Comme excuse, il explique qu'ils doivent tous se rendre en Caroline du Nord pour prendre soin de la mère de son épouse, très âgée et très malade. John List passe encore plusieurs appels pour justifier leur absence. Toute cette agitation lui ayant donné faim, il se met à la même table où il a abattu son épouse pour casser la croûte.
Le téléphone se met à sonner : c'est sa fille Patricia, 16 ans, qui appelle de l'école pour dire qu'elle se sent malade. Elle lui demande de passer la chercher. Brave fille qui lui tire une épine du pied. Normalement, elle et son frère Fred, 13 ans, sont censés rentrer à la même heure de l'école. Comment les tuer en douceur tous les deux ensemble ? List ramène donc sa fille à la maison et abrège ses souffrances terrestres en lui tirant une balle dans la mâchoire. Puis il attend le retour de Fred qu'il abat aussitôt. Reste John, 15 ans, son préféré, qui, cet après-midi-là, participe une partie de football américain. List va le voir et le ramène ensuite à la maison comme si de rien n'était. Il sort son flingue, mais ce petit imbécile s'en aperçoit et tente de se défendre, ne comprenant pas que son dad ne lui veut que du bien. Enfin, le voilà allongé sur le plancher. Soulagement de List, qui sait désormais sa petite famille réunie au paradis. C'est qu'il aimerait bien les rejoindre, mais Dieu n'interdit-il pas le suicide ? Bon croyant, il est donc condamné à poursuivre sa misérable vie terrestre avec l'argent de maman.
Musique classique
List rassemble les cadavres de sa petite famille dans la salle de bal de sa vieille maison victorienne, les déposant chacun sur un sac de couchage pour qu'ils n'attrapent pas froid. Il n'y a que sa mère qu'il laisse dans le grenier, elle est trop lourde à traîner. Puis il s'installe à une table pour écrire une lettre à son pasteur où il lui explique ses motivations : la perte de son emploi, bla-bla, l'incapacité d'assurer le bonheur de sa famille, bla-bla, le séjour au paradis, bla-bla, la fin paisible des membres de sa famille, bla-bla, les années 70 marquées par le péché, bla-bla, sa fille qui veut, ô horreur, devenir actrice... Il écrit quatre autres lettres, dont une à son ex-employeur, lui expliquant comment gagner de nouveaux clients. Méticuleux jusqu'au bout, il nettoie les dernières traces de sang et rassemble des livres empruntés à un voisin qu'il laisse en évidence.
Après avoir nourri le poisson rouge et dîné en solitaire, il téléphone à la professeur de théâtre de sa fille pour lui dire qu'elle sera absente plusieurs semaines, puis monte se coucher dans sa chambre. Le lendemain matin, avant de quitter la maison, il en fait le tour pour récupérer toutes les photos de famille, déchirant systématiquement son visage pour que la police ne puisse pas l'identifier, baisse le thermostat, allume ensuite un magnétophone qui diffuse en boucle de la musique classique. Enfin, il allume toutes les lumières de la maison avant de partir au volant de sa voiture pour l'aéroport Kennedy de New York. Il l'abandonne sur le parking pour faire croire qu'il a emprunté un vol, mais rentre en ville en bus et... disparaît.
Un mois plus tard, le directeur de l'école de théâtre de Patricia commence à s'inquiéter de la longue absence de Patricia, surtout qu'elle lui avait confié trouver bizarre l'attitude de son père au cours des derniers mois. Le 7 décembre, il décide de lui rendre visite en compagnie de sa professeur. Ils voient les lumières allumées de la maison, frappent à la porte. Personne ne répond. Ils tournent autour de la bâtisse victorienne. Ce manège intrigue un voisin, qui, les prenant pour des cambrioleurs, appelle la police. Les deux professeurs s'expliquent. Les policiers décident de briser une fenêtre. Une terrible odeur les prend à la gorge, leur faisant comprendre qu'un drame s'est joué là. Une musique les attire vers la salle de bal. Ils traversent la cuisine dont le sol est jonché de vêtements imbibés de sang séché. Ils découvrent les corps allongés, le visage recouvert d'un morceau de tissu. Poursuivant leur exploration, ils tombent sur le corps de la mère dans le grenier. Enfin, ils mettent la main sur un paquet de lettres adressées "au découvreur".
Chasse à l'homme
Une immense chasse à l'homme est lancée. La voiture de List est retrouvée à l'aéroport Kennedy de New York, mais son nom ne figure sur aucune liste de passagers. Durant des semaines, des mois, les policiers enquêtent, fouillent, interrogent des centaines de personnes. Sa photo est publiée par tous les journaux, apparaît sur toute les chaînes de télé. Rien. List s'est littéralement évaporé. Après quelques mois, la police met de côté le dossier. Les années passent. En 1989, dix-huit ans après le crime, les producteurs de l'émission America's Most Wanted cherchent une affaire bien vicieuse pour relancer l'audience. Un meurtrier qui a assassiné toute sa famille, c'est exactement ce qui leur faut. L'émission diffusée le 21 mai 1989 montre aux millions de téléspectateurs la tête de John List telle qu'elle devrait être maintenant, avec près de vingt ans de plus que lors de sa disparition. Sa vue provoque l'émoi parmi un groupe d'amis du Colorado. Cet homme, c'est le portrait craché de leur ami comptable Robert P. Clark, qui vient de déménager en Virginie avec sa nouvelle épouse. La plupart en font un sujet de plaisanterie, mais l'un d'eux appelle tout de même la police pour leur signaler la troublante ressemblance.
Le 1er juin, des policiers frappent à la porte de Clark, qui nie formellement être List. Quand on lui trouve les mêmes empreintes digitales, il continue à nier. Ce qui ne l'empêche pas d'être arrêté et inculpé. Ce n'est qu'en février 1990 qu'il reconnaît enfin être effectivement List. Il explique qu'après avoir abandonné sa voiture sur l'aéroport de New York, il a pris un bus pour Denver, dans le Colorado, où il a donc recommencé sa vie sous le nom de Clark. En 1985, il épouse une veuve de Virginie chez qui il déménage. Il est condamné à la prison à vie pour chacun des cinq meurtres. Trente ans après son crime, interviewé dans sa prison au sujet de sa première famille, il déclare : "J'ai le sentiment que, quand nous nous rencontrerons au paradis, nous ne nous préoccuperons plus des affaires terrestres. Soit ils m'auront pardonné, soit ils n'auront pas réalisé, vous savez, ce qui est arrivé." "Je suis certain que si nous nous reconnaissons l'un l'autre, nous aurons du plaisir à être ensemble, comme autrefois, quand l'époque était meilleure." List meurt en 2008, à l'âge de 82 ans, en prison. Pas sûr que sa vieille mère, son épouse et ses trois gosses l'aient accueilli à bras ouverts au paradis.
Source : http://www.lepoint.fr/c-est-arrive-aujourd-hui/9-novembre-1971-il-envoie-sa-mere-son-epouse-et-ses-trois-gosses-au-paradis-avant-de-refaire-sa-vie-09-11-2012-1526892_494.php