La chute de Massada
L'histoire...
La Palestine du Ier siècle de notre ère est marquée par des révoltes fréquentes du peuple juif contre l’occupation romaine. En l’an 6, un dénommé Judas de Gamala organise le mouvement des zélotes qui entre en rébellion armée pour protester contre le recensement de la population qui est, selon eux, une véritable insulte à Dieu, seul comptable des âmes, et qui permettra aux romains de lever un nouvel impôt. Les zélotes se caractérisent par un fanatisme religieux fondamentaliste très exacerbé. Ils veulent instaurer une théocratie strictement alignée sur la Loi de Moïse et considèrent que les romains souillent de leur présence impie la Terre Promise d’Israël. Très radicaux, ils vont rapidement s’en prendre également à tous ceux qu’ils considèrent comme collaborant de près ou de loin à l’occupation romaine. Les romains les appellent les sicaires, en référence à leurs longs poignards, la sica. Les zélotes ne sont pas les seuls rebelles. Ils se situent en fait parmi de nombreux autres mouvement juifs, d’ailleurs souvent antagonistes entre eux.
En l’an 66, les tensions entre juifs et païens sont à leur comble. La violation du Shabbat par des païens devant le Temple de Jérusalem et la réquisition par les romains d’une partie de l’or du Temple met le feu aux poudres. C’est le début de la première guerre judéo-romaine ou « Guerre des Juifs ». Partout sur le territoire, les insurgés s'en prennent aux légionnaires, à leur collaborateurs et aux païens. Mais les juifs ne sont pas unis et de nombreux affrontements éclatent entre factions rivales. En peu de temps, la situation devient complètement chaotique.
Les romains sont toutefois rapidement débordés par la rébellion qui s’empare de l’esplanade du Temple à Jérusalem, ainsi que de nombreuses autres positions en Palestine dont la forteresse de Massada sur les falaises qui bordent la Mer Morte. Massada est située sur le haut d’un plateau désertique bordé par des falaises très abruptes. Elle a été réaménagée par Hérode le Grand, entre 37 et 15 av. J-C, qui cherchait à se constituer un réseau de refuges potentiels en cas de révolte contre sa personne. Très difficile d’accès, bénéficiant d’un rempart solide et épais, pourvue d’eau et de vivres en abondance, la forteresse est réputée imprenable.
Une première réaction romaine organisée, menée par le gouverneur de Syrie Cestius Gallus, échoue lamentablement. La XIIème Légion romaine perd plus de 5000 hommes et près de 400 cavaliers. En 67, l’Empereur Néron envoie le général Vespasien à la tête de trois nouvelles légions. En moins de trois ans, il écrase la rébellion et reconquiert presque toute la Judée avant de revenir à Rome pour devenir lui-même Empereur. Il laisse la suite des opérations à son fils Titus.
Source : http://www.historiweb.com/histoire-la-chute-de-massada,219.htm
En 70, celui-ci s’empare de Jérusalem tenue par différentes factions juives, dont les zélotes. Le 28 août, il donne l’assaut au Temple qui est complètement détruit dans un incendie. La ville est quasiment rasée. Pour les juifs, le traumatisme est énorme. Jérusalem et surtout le Temple, cœur du judaïsme, n’existent plus.
De nombreux rebelles juifs et leurs familles, et parmi eux des zélotes emmenés par Elazar ben Yair, descendant direct de Judas de Gamala, parviennent tout de même à échapper à la destruction de la ville. Ils décident de se réfugier dans le seul lieu où ils jugent pouvoir encore échapper aux romains : Massada. De là, ils harcèlent régulièrement les environs, n’hésitant pas à s’en prendre à des postes romains importants.
En 72, les romains ont réussi à soumettre toute la Judée. Seuls les rebelles de Massada leur tiennent encore tête. Le général en chef de l’armée romaine en Palestine, Flavius Silva, reçoit l’ordre de prendre la forteresse pour étouffer définitivement la révolte.
Silva se met à la tête de la Xème Légion à laquelle il ajoute six cohortes. Fin 72, ce sont des milliers de romains qui entreprennent le siège de la dernière forteresse encore aux mains des zélotes. Les chiffres divergent sur le nombre exacts de soldats sous les ordres de Silva. Ils varient entre 8000 et 15000, suivant les estimations que les historiens avancent sur la composition des Légions et des cohortes romaines à l'époque. On connait mieux le nombre des défenseurs juifs : à peu près un millier d’hommes, de femmes, d’enfants et de vieillards.
Les défenseurs sont très confiants. Pour eux, Massada est inexpugnable. Leurs réserves d’eau et de nourriture sont largement suffisantes pour tenir un très long siège et ils ne doutent pas que leurs adversaires vont finir par se lasser et abandonner la partie. Mauvais calcul. C’est sans compter sur le génie militaire romain.
Dès son arrivée sur le site, Silva comprend qu’un assaut rapide est inenvisageable. Il n’existe que deux chemins pour accéder aux portes de la forteresse, tous deux très escarpés, facilement défendables par une poignée d’hommes et absolument inadaptés pour une attaque d’envergure. Le général romain prend alors plusieurs mesures. Il fait établir plusieurs camps autour du plateau. Puis il entreprend de boucler le siège par l’édification d’un mur d’encerclement. Enfin, il décide la construction d’une gigantesque rampe d’accès du côté ouest du plateau, jusqu’au pied de la forteresse. Cette rampe doit s’appuyer sur un saillant rocheux et permettre l’acheminement d’une tour de siège munie d’un bélier géant qui devra percer le rempart.
Le siège commence. Il va durer sept mois. Paradoxalement, ce sont les romains qui vont le plus en souffrir. La chaleur est écrasante et accable les hommes et les bêtes. Les vivres arrivent au compte gouttes. Mais la principale difficulté réside dans le fait que le site désertique est totalement dépourvu de point d’eau douce. Celle-ci est strictement rationnée et son ravitaillement nécessite de véritables convois lourdement chargés qui doivent parcourir de très longues distances pour ramener une eau saumâtre désagréablement chauffée par le soleil de plomb.
Pour édifier la rampe d’accès, les romains contraignent par la force des centaines de prisonniers juifs qu’ils obligent à travailler dans des conditions extrêmement pénibles. Ils y voient un double avantage. D’une part le recours aux forçats ménage les légionnaires, et d’autre part les zélotes de Massada ne pourront rien tenter contre la construction de la rampe sans attenter à la vie de leurs frères juifs. Et c’est exactement ce qui se produit. Pendant les sept longs mois que va durer la construction, jamais les zélotes de Massada ne tentent de l’empêcher.
Au printemps 73, la rampe est achevée. C’est un exploit technique absolument extraordinaire pour l’époque. L’ouvrage colossal, fait d’un entassement régulier de centaines de tonnes de pierres, de troncs d’arbre et de terre, s’élève presque jusqu’au pied des remparts de la forteresse. A l’intérieur, les zélotes ont perdu leur belle assurance. Il est évident que les romains sont maintenant en mesure de donner plusieurs assauts directs dont l’issue semble inéluctable.
C’est effectivement ce qui se produit. Les légionnaires acheminent lentement leur tour puissamment renforcée et protégée jusqu’au sommet de la rampe. De là, ils peuvent faire pleuvoir sur les défenseurs une pluie de projectiles divers pour les empêcher de défendre efficacement le rempart. Puis, ils mettent en action le lourd bélier qui, inexorablement, commence à défoncer le mur ouest de la forteresse. Les zélotes tentent de bâtir en hâte un deuxième mur, en assemblant un système de lourdes poutres entre lesquelles ils entassent de la terre pour amortir les chocs du bélier. Peine perdue. Les romains réussissent à y mettre le feu, grâce à un vent tournant qui manque d’abord de peu de réduire leur tour en cendres. Après plusieurs jours d’acharnement, ils parviennent ainsi à ouvrir une large brèche.
A une date non confirmée mais que l’on situe communément au 15 avril 73 – l’historien judéo-romain Flavius Josèphe mentionne clairement le 15 du mois de Xanthicos –, ils donnent l’assaut. Très rapidement, les premiers légionnaires parviennent sur le rempart qu’ils franchissent sans encombre. Et pour cause. A l’intérieur de la forteresse, le spectacle qu’ils découvrent est effroyable. Pour éviter la capture, l’esclavage et la soumission, tous les défenseurs de Massada ont préféré la mort, après avoir incendié tous les bâtiments à l’exception des dépôts de nourriture. Femmes et enfants compris. A la vue des centaines de cadavres, les romains pensent immédiatement qu’ils se sont suicidés en masse. Quelques jours plus tard, ils découvrent deux femmes et cinq enfants qui se sont cachés pour échapper à la mort. Frustré d’une vraie victoire et de la capture des chefs zélotes, Flavius Silva peut tout de même annoncer à Rome la chute de Massada et la fin de la révolte juive en Palestine.
Si la thèse du suicide collectif des défenseurs de Massada a longtemps perduré dans l’imaginaire collectif, elle correspond peu à la mentalité juive de l'époque, surtout chez les zélotes fondamentalistes, pour qui le suicide est absolument contraire à la Loi de Dieu. Dès lors, on imagine mal un millier de juifs très pratiquant se donnant volontairement la mort. Il faut plutôt se rapporter aux écrits de Flavius Josèphe qui a recueilli les témoignages des deux survivantes.
Convaincus par leur chef Eléazar, les hommes de Massada ont tout d’abord entrepris de tuer par le couteau et l’épée leurs femmes et leurs enfants. Puis ils ont désigné au sort dix d’entre eux qui se sont chargés d’exécuter leurs compagnons. Les dix ont ensuite à nouveau tiré au sort celui qui les tuerait et se donnerait la mort en dernier. Entre 1963 et 1965, le site de Massada a été fouillé par des archéologues qui ont découvert des morceaux de tuiles portant des noms et qui ont très probablement servi aux fameux tirages au sort, accréditant les écrits de Flavius Josèphe. Cette thèse est aujourd’hui unanimement admise par les historiens.
Le site de Massada est aujourd’hui très visité. On peut encore y voir et arpenter les restes de la formidable rampe d’assaut des romains, dont on accède au sommet en pas moins de quinze minutes, ce qui donne une idée de l'ampleur de l'ouvrage.
Dans l’Israël moderne, Massada reste un symbole fort de la résistance juive face à l’oppression.
Pendant longtemps, jusqu’à la preuve formelle de la thèse du meurtre collectif, les officiers de l’armée israélienne y ont prêté un serment de fidélité : « Massada ne tombera pas une nouvelle fois ».