En septembre 1992, rentrant à la nuit tombée de son travail en voiture par les petites routes de l'arrière-pays de la commune écossaise de Bonnybridge, GeorgeWilson vit tout à coup un ovni planer au-dessus de la route. Il put l'observer pendant dix minutes avant que l'engin ne disparaisse brusquement. Lorsqu'il atteignit la petite ville de Falkirk, George se rendit immédiatement chez son ami, le conseiller municipal Bill Buchanan, pour lui décrire ce qu'il avait vu. Ce dernier lui conseilla de publier une annonce dans la presse locale afin de savoir si d'autres personnes avaient vu quelque chose d'inhabituel. La réaction fut stupéfiante: en moins d'une semaine, vingt-deux personnes signalèrent au journal The Scotsman qu'elles avaient fait des expériences similaires. Intrigué, Malcolm McDonald, inspecteur de l'Hygiène publique du district de Falkirk, décida de contacter certains témoins. Il recueillit notamment le témoignage d'un homme d'affaires local qui affirma avoir aperçu un ovni. Ce dernier lui confia aussi que « les habitants terrifiés passaient leurs nuits à observer le ciel à la recherche des ovnis ». Le conseil municipal de Falkirk organisa une réunion extraordinaire et décida de lancer une enquête. Bill Buchanan, qui avait déclaré au cours de la réunion que « trop de gens avaient vu des ovnis pour que l'affaire soit prise à la légère », fut designé responsable de la question ovni. Il décida de faire appel à Malcolm Robinson, l'expert écossais en phénomènes ovnis. UNE AVALANCHE DE RÉCITS Bill Buchanan et Malcolm Robinson mirent en place une ligne de téléphone spéciale ovnis et comptabilisèrent au début du mois d'octobre près de mille cas (sur les 5 500 habitants de la région). À Falkirk, signaler un ovni n'était plus un acte de bravoure, comme c'est souvent le cas ailleurs, mais relevait presque d'un acte civique. L'affaire prit une telle ampleur que la commune écossaise de Bonnybridge, étiquetée « capitale mondiale des ovnis », attira l'attention des radios et télévisions internationales. Certains journaux arboraient des manchettes à sensation, comme le Glasgow Herald's qui titrait : « L'Ecosse en tête des points chauds pour observer les ovnis », ou le Aberdeen Press: «Rien de tel que l'Ecosse pour apercevoir des extraterrestres dans le ciel ». L'enthousiasme des médias eut des répercussions prévisibles: des délégations de touristes en provenance de toute l'Europe et même des États- Unis et du Japon affluèrent dans la petite ville dans l'espoir d'apercevoir dans le ciel les étranges lumières décrites et abondamment filmées. Opportuniste, l'auberge Comfort Inn de Falkirk eut une prodigieuse idée. Elle lança avec succès « les premiers week-ends ovnis du Royaume-Uni ». L'ufologue et parapsychologue Malcolm Robinson, fondateur d'un groupe d'enquête sur les phénomènes étranges, déclara alors officiellement qu'il se passait vraiment quelque chose et que la plupart des cas étaient fascinants.Il félicita ouvertement Bill Buchanan d'avoir été à l'écoute de ses électeurs quand la plupart des conseillers municipaux auraient, sans aucun doute, fui les complications que représentent les ovnis. Buchanan, de son côté, tenait alors des réunions publiques à la mairie, et promettait des lettres au Premier ministre et des appels au gouvernement pour qu'éclate la vérité sur les ovnis de Bonnybridge. Ce tapage médiatique excessif finit par provoquer des scissions au sein des cercles d'ufologie, la validité du phénomène ovni y étant chaudement débattue. MISE EN DOUTE Le débat qui s'engagea entre les ufologues sur la réalité du « triangle de Bonnybridge » était simple : la zone fenêtre de l'activité ovni la plus connue et la mieux exploitée du Royaume-Uni était-elle réelle? Si pour les habitants de Falkirk elle ne faisait aucun doute, les observateurs extérieurs avaient remarqué que, peu de temps avant l'engouement de Bonnybridge, la municipalité de Livingston, une ville voisine, avait érigé une plaque pour commémorer une observation d'ovni, avec la ferme intention de faire de la bourgade une attraction touristique. Effet de contagion? Bien que personne n'accuse ouvertement Bonnybridge ou sa municipalité d'inventer des observations d'ovnis ou de donner à la ville un faux prestige, il était indéniable qu'on tirait le plus grand parti possible des observations en question. LA CONCURRENCE DES ZONES FENÊTRES En dépit de son ascension fulgurante vers la célébrité, Bonnybridge est loin d'être la première zone-fenêtre du Royaume-Uni car, malgré l'énorme série d'observations du début des années 1990, il n'y a eu aucune activité ovni antérieure enregistrée dans cette région. Quand on fit, pour un documentaire télévisé, une analyse statistique des rencontres rapprochées des cinquante dernières années, on s'aperçut que, loin d'être située en Ecosse, l'activité ovni sur le long terme était concentrée dans une petite partie de la région des Midlands, au centre de l'Angleterre. L'étude démontrait qu'environ 10% des rencontres rapprochées inexpliquées au Royaume-Uni s'étaient produites dans cette étroite région de moyennes montagnes des Pennines. Isolé entre les grandes banlieues de Manchester, de Sheffield et de Leeds, un triangle désertique de landes avait été baptisé « Allée des ovnis » par la presse locale. C'est dans ce couloir niché entre les petites villes de Bacup et Todmorden, traversé par la frontière entre les comtés du Lancashire et du Yorkshire, qu'un huitième de tous les contacts et enlèvements extraterrestres ont eu lieu dans un périmètre d'environ vingt kilomètres. LES LUMIÈRES DU NORD Ce qui a rendu les phénomènes de cette zone particulièrement crédibles est l'établissement d'une chronologie d'événements dans le temps: des ovnis ont déjà été vus lorsque des chevaux et des carrioles sillonnaient les routes des Pennines. Certains endroits possèdent d'ailleurs des traditions tellement ancrées de rencontres étranges que les noms locaux ont pris des connotations surnaturelles. Un sentier isolé du Derbyshire, où l'on a observé des boules de feu depuis le Moyen Âge, a été rebaptisé « le coude du Diable ». À un autre endroit, non loin de la ville de Bacup, on a relaté un ensemble de manifestations plus extraordinaire encore. La sombre colline de Pendle abritait autrefois des « démons », et les femmes soupçonnées de sorcellerie étaient jetées au bas de la pente pour que leur mort ou leur sur- vie détermine leur culpabilité ou leur innocence. Au tout début du XXe siècle, un policier de la région vit un étrange « vaisseau » flotter dans les airs, et en 1977, une voiture fut stoppée net par un ovni flottant dans la brume, au-dessus de la même colline hantée. RÉEL OU IMAGINAIRE ? Certains ufologues ont affirmé que, si la zone fenêtre des Pennines était bien réelle, celle de Bonnybridge était une invention alimentée par l'appât du gain et l'espoir d'une notoriété obtenue à bon compte. Le phénomène aurait été largement amplifié par les médias et par un phénomène d'entraînement social de toute la population locale. Face à ces allégations, M. et Mme Procek, des habitants de la région pris à partie par une télévision nationale, eurent une réaction véhémente. Ils affirment avoir vu deux ovnis triangulaires silencieux stationnés au-dessus d'un viaduc qu'ils traversaient en voiture : « Des avions en provenance d'Edimbourg, de Glasgow et de Cumbernauld nous survolent parfois. Je sais reconnaître un hélicoptère. J'ai vu des météores et des satellites. Mais ces engins ne ressemblaient à rien de tout cela. Je ne suis ni une menteuse, ni une mythomane. Nous avons la tête sur les épaules, nous avons de l'instruction et n'aimons pas tirer des conclusions hâtives. Nous ne pouvons que raconter ce que nous avons vu. » Que penser de toutes ces descriptions d'objets en forme de cigare, de triangle ou de bonnet? Qu'objecter aux témoins du site de Bonnybridge qui soutiennent avoir vu des lumières éblouissantes blanches, rouges ou vertes? Les scientifiques s'efforcent d'expliquer rationnellement la concentration de phénomènes ovnis dans les zones fenêtres. APPROCHE RATIONNELLE Selon les scientifiques qui étudient principalement les phénomènes telluriques, les raisons de ces manifestations ne viennent pas du ciel mais de la Terre elle-même. Paul Devereux, connu pour ses enregistrements de résonances acoustiques réalisés sur les sites archéologiques et pour son ouvrage sur les mystères de l'astronomie, Le Langage secret des étoiles et des planètes (Ed. Solar), affirme que la multiplication de phénomènes lumineux qui apparaissent dans certains lieux est le résultat de facteurs géologiques et électromagnétiques combinés. Perfectionnant l'établissement des lignes de faille ordonné dans les années 1970 par le chercheur français Fernand Lagarde, Devereux a établi une corrélation entre les observations d'ovnis et les zones tectoniques sensibles en Angleterre. En se plongeant dans son étude publiée en 1982, on s'aperçoit que le secteur de Bonnybridge en fait justement partie. Une observation d'ovni pourrait aussi être provoquée par l'interaction entre des phénomènes naturels mal connus et notre cerveau. Selon le géologue canadien Michael Persinger, les champs magnétiques arrivant à la surface de notre planète par le phénomène des contraintes tectoniques (le frottement des plaques de la croûte terrestre) pourraient influer sur certaines zones de notre cerveau et provoquer des visions indiscernables de la réalité. Selon lui, « il ne faut pas oublier que l'homme évolue sur une mince coquille sous laquelle de gigantesques forces sont constamment en mouvement ». C'est en fonction du milieu socio-culturel de l'observateur que la vision serait interprétée comme un ange, des fées ou une soucoupe volante. L'ampleur du champ électromagnétique peut même donner l'impression de véritablement vivre un enlèvement. Persinger a étayé sa thèse en recoupant statistiquement l'activité ovni des sites et les champs magnétiques de ces mêmes zones. À Boulder, dans le Colorado, le Bureau des Mines américain a ensuite vérifié cette théorie en filmant des roches à haute teneur en cristaux soumises à contrainte jusqu'à éclate- ment. Avant la désintégration, les charges chimiques et électriques produites par la roche ont créé dans le laboratoire quelque chose s'apparentant à de mini-ovnis. Mais si une zone fenêtre est bien le résultat d'énergies physiques naturelles déclenchées dans l'atmosphère par des facteurs géologiques localisés, ces facteurs devraient rester relativement constants dans le temps. On devrait pouvoir reconnaître une zone fenêtre au nombre de récits de phénomènes étranges, non seulement actuels, mais aussi plus anciens. Or, contrairement à celle des Pennines, la zone fenêtre de Bonnybridge n'a pas d'antécédents historiques. Les ufologues donnent une autre raison permettant d'expliquer cette singularité. APPROCHE SURNATURELLE Les zones fenêtres autorisent le passage d'ovnis, mais aussi de phénomènes étranges comme des monstres ou des anomalies temporelles. Le journaliste américain John Keel a été l'un des premiers à suggérer que les zones fenêtres sont des points de passage entre notre réalité et une dimension surnaturelle. Ces zones laisseraient passer des êtres surnaturels dans notre monde, mais elles permettraient aussi de nous emmener de l'autre côté. C'est cet échange possible qui, selon lui, justifierait les enlèvements et autres disparitions mystérieuses. Le passage d'une réalité à une autre dépendrait de conditions particulières telles que des perturbations atmosphériques ou des modifications du climat, qui pourraient être des facteurs déclenchants. Ainsi, la soudaine apparition d'une zone fenêtre ne serait que la réactivation d'un site en sommeil depuis de longues périodes. La zone fenêtre de Bonnybridge est donc ouverte à tous vents et aucun raisonnement scientifique ne pourra la refermer tant qu'elle jouira d'un certain prestige auprès de ses visiteurs.
Source : http://www.bizarrus.com/article,La-porte-de-BonnyBridge--attraction-touristique...-115.html
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