Le Triangle des Bermudes : des origines au 19ème siècle
Ces structures étranges pyramides sous-marines à une profondeur de deux mille mètres ont été identifiées à l'aide d'un sonar selon l'océanographe Dr. Meyer Verlag. Des études d'autres structures comme Yonaguni trouvées dans les temps modernes au Japon ont permis aux scientifiques de déterminer que les deux pyramides géantes, ressemblant à du verre épais, seraient plus grandes que la pyramide de Kheops en Egypte.
Les îles du Diable
Un siècle plus tard, en juillet 1607, le Sea Venture, bâtiment anglais, part vers les Amériques, avec à son bord une partie des premiers Anglais qui s'apprêtent à coloniser le Nouveau-Monde4. En cours de route, il s'échoue sur des récifs appelés alors les «îles du Diable» et situés non loin des Bermudes.
De terribles légendes circulent en effet à propos de ces îles. Habitées, dit-on, par des monstres cruels et de sauvages antropophages, elles ont une réputation sinistre, et les rescapés du Sea Venture sont terrorisés à l'idée de s'y réfugier. Cependant, contraints par les circonstances, ils gagnent la terre ferme par petits groupes, se demandant quels événements horribles les attendent durant la nuit. Mais rien ne se passe et, au petit matin, les naufragés partent en reconnaissance. Stupéfaits, ils constatent que les «îles du Diable» sont, en fait, un paradis terrestre et décident de s'y installer.
Ils envoient alors quelques hommes prévenir les colons de Virginie qu'ils sont sains et saufs. Le premier septembre, sous le commandement du premier maître Harry Ravens, ces hommes montent dans une chaloupe qui prend la mer et... disparaît à jamais...
Depuis lors, par les nuits de grand vent, on les entend pleurer et gémir.
Une autre légende est colportée par les habitants de l'île: celle, particulièrement horrible, du pirate sans tête!
Barthélémy le Portugais est un pirate qui, sur ses vieux jours, s'est retiré à l'île Mona. Bien que ses exploits aux dépens des galions espagnols aient pris fin depuis de bien nombreuses années, une récompense est toujours offerte par l'Espagne à celui qui le capturera, mort ou vif.
Un pauvre pêcheur connaît le secret du Portugais. Désirant obtenir la récompense, il se rend à l'île Mona dans l'espoir de tuer le vieux pirate. Mais Barthélémy, méfiant et sachant sa tête mise à prix, évite de se créer des habitudes. Sauf que, tous les matins, il se rend à la même source pour y prendre l'eau dont il a besoin. C'est là que le pêcheur s'embusque. Au moment où Barthélémy se penche vers l'eau, il surgit derrière lui et lui coupe la tête d'un coup de sabre.
Triomphant, il porte son macabre colis aux autorités espagnoles. Mais, après tant d'années, celles-ci ne sont pas tout à fait sûres de reconnaître les traits du vieux loup de mer et demandent à voir le cadavre marqué des cicatrices qui permettront, sans conteste, de l'identifier.
Le pêcheur, décidé coûte que coûte à toucher sa récompense, retourne alors à l'île Mona chercher le corps où il l'a laissé, près de la source. Mais, ô consternation! la dépouille a disparu...
Après des heures de vaines recherches, le malheureux pêcheur va raconter sa mésaventure aux autorités:
- Pas de récompense sans corps! lui répond-on.
A quelque temps de là, le mauvais temps surprend notre homme en mer avec d'autres pêcheurs et tous se voient contraints par les éléments à passer la nuit à l'île Mona.
Au cours de la veillée, le vieux pêcheur raconte à ses compagnons comment il a failli toucher la récompense pour la capture de Barthélémy.
Soudain, un cri atroce résonne : - Caigo o no caigo ? (Je comprends ou je ne comprends pas?)
Le premier instant de frayeur passé, quelques hommes se précipitent dans la direction d'où est venu le hurlement et s'arrêtent net, pétrifiés d'horreur : le corps du pirate Barthélémy, debout à l'entrée d'une caverne, tient d'une main sa tête et de l'autre son sabre d'abordage.
Et il réapparaît ainsi, terrifiant, chaque fois que la tempête balaie les Bermudes!
Le fantôme du «Santisimo Barbastro»
La légende du pirate sans tête date, selon certains, du XVIIIe siècle.
C'est précisément à cette époque qu'un boucanier, Le Golif, vit une bien étrange aventure. Ce pirate a établi sa base à l'île Tortuga, l'île de la Tortue, située au large de la côte nord de Haïti, donc dans le triangle des Bermudes.
Un jour, sans trop de difficultés, il s'empare d'un galion espagnol, le Santisimo Barbastro, dont les gréements, déchirés lors d'une tempête, pendent lamentablement et dont l'équipage, décimé par une épidémie de fièvre jaune, est réduit de plus de moitié.
- Avant d'être placé sous mon commandement, raconte Don Alonso, le Santisimo Barbastro était dirigé par un jeune capitaine, Don Francisco de Benalcézar y Morôn, qui fut décapité par un boulet au cours d'un combat contre les Anglais.
» Sa jeune veuve, Dona Irena, donne naissance à un fils qu'elle allaite et qu'elle confie, dès son sevrage, à une amie, puis se donne la mort.
» Comme les autorités religieuses ont refusé d'ensevelir une suicidée en terre chrétienne, depuis lors elle hante le bateau où son époux a été tué et chacune de ses apparitions annonce un événement funeste.
« Après la première «venue» de Dona Irena, continue le capitaine espagnol, quatre marins ont été emportés par une lame. Après la seconde, la fièvre jaune a frappé presque tous les matelots et beaucoup en sont morts. Quand le spectre réapparaît une troisième fois, une forte tempête se déchaîne et provoque la disparition de plusieurs membres de l'équipage. Enfin, hier, j'ai, moi-même, vu Dona Irena et, aujourd'hui, vous capturez mon navire ! »
A la fin du récit de Don Alonso, Le Golif hausse les épaules et se dirige vers l'échelle qui conduit au pont principal.
Brusquement, il voit une jeune femme très belle et très élégante. Le corsaire rebrousse chemin et se précipite auprès de Don Alonso.
- Je viens de la voir sur le pont ! s'exclame-t-il. C'est Dona Irena ! C'est elle, j'en suis sûr!
- Alors, attendez-vous au pire, répond Don Alonso. Un nouveau malheur ne manquera pas de s'abattre bientôt sur le bateau.
Effectivement, le lendemain, Le Golif doit faire évacuer en toute hâte le Santisimo Barbastro qui, sans aucune avarie apparente, sombre dans une mer parfaitement lisse. Impuissant à sauver le bâtiment, Le Golif lui jette un dernier regard et... voit Dona Irena abandonner le navire en perdition et marcher sur l'eau en direction de l'Espagne...
Les corsaires de la lune
Au siècle suivant, la disparition de Theodosia Burr, fille du vice-président des U.S.A. Aaron Burr, attire de nouveau l'attention sur le triangle des Bermudes.
Après la mort de son fils, Theodosia part faire un voyage en mer pour tenter d'oublier son chagrin. Elle s'embarque sur le Patriot, commandé par le capitaine Overstock.
Le 1er janvier 1813, le Patriot est aperçu, pour la dernière fois, dans la partie nord du triangle des Bermudes.
Les journalistes ne tardent pas à s'emparer de l'affaire. On croit d'abord à un enlèvement. Mais aucune demande de rançon ne parvenant au vice-président des Etats-Unis, on rejette cette hypothèse.
On envisage aussitôt une autre possibilité: pourquoi le Patriot n'aurait-il pas été victime des «corsaires de la lune»?
C'est ainsi que l'on dénomme les naufrageurs, généralement d'anciens pirates, qui attirent la nuit les navires contre les récifs et les pillent.
Des robes de soie noire ressemblant à des vêtements de deuil
Le témoignage du Dr William G. Pool semble confirmer cette supposition.
Au cours de l'été 1869, le médecin a soigné Mme Mann qui vit près du cap Nags Head, sur les Outer Banks de Caroline du Nord, et dont le premier mari, Joe Tillett, était un naufrageur. Dans la modeste cabane de la malade, le Dr Pool remarque le portrait d'une jeune femme de vingt-cinq ans aux yeux noisette et aux cheveux bruns, portrait qui lui paraît être celui de Theodosia.
Voici ce que rapporte le médecin:
«Après le traitement, la malade me remercia. Il y avait des mois qu'elle ne s'était sentie aussi bien. Je lui demandai si le portrait était le sien dans sa jeunesse. Elle sourit et m'expliqua qu'elle avait été mariée deux fois, et deux fois veuve. Son premier mari, Joe Tillett, partageait son temps entre les deux métiers de pêcheur et de naufrageur. Comme cadeau de mariage, il lui avait offert divers objets provenant de l'épave d'un navire échoué, parmi lesquels ce portrait. Il ne restait personne à bord, sinon un petit chien marron. Bien qu'il ne portât aucune trace de violences, le bateau paraissait avoir été pillé. Tout ce que la malade se rappelait, c'était que l'événement s'était passé l'hiver, pendant la guerre de 1812. Le portrait était accroché au mur d'une cabine du bateau, où Joe avait également trouvé plusieurs robes de soie noire ressemblant à des vêtements de deuil. Pour autant que Mme Mann s'en souvînt, le bateau était un schooner à la coque noire, qui avait probablement été capturé par des pirates avant de s'échouer.»
Mme Mann étant trop pauvre pour régler les honoraires du médecin, elle lui donne en paiement le portrait de la jeune femme que le Dr Pool montre à Mme Drake, parente des Burr. Cette dernière reconnaît formellement Theodosia Burr.
Pour les autorités, l'affaire est classée: le Patriot a été victime de naufrageurs et Theodosia Burr tuée au cours de l'action.
La mer est traître, même pour les vieux marins
Dix ans après l'affaire Theodosia Burr, celle du Patriot, c'est le Grampus, patrouilleur de l'U.S. Navy, commandé par le lieutenant H. Gregory, qui disparaît sans laisser de traces dans le fameux triangle.
La disparition est d'autant plus surprenante et mystérieuse que Gregory est un excellent marin, et même un vieux loup de mer. Il écume la région depuis des lustres et en connaît les moindres écueils. Depuis plus de vingt ans, en effet, il ne cesse de patrouiller avec son bateau dans les Caraïbes et le golfe du Mexique.
En 1822, il capture sept schooners pirates au large de Sugar Key, dans le détroit de Floride. En 1825, il arraisonne un «sloop» pirate recherché depuis un an. En 1830, il arrête la barque Fenix qui se livrait au trafic d'esclaves et sauve ainsi d'une vie de misère plus de trois cents Noirs. En 1836, il soutient les forces terrestres engagées en Floride contre les Indiens Séminoles et débarque un détachement de «marines» dans la baie de Tampa pour défendre les colons. En 1843, après de longs mois passés dans les eaux antillaises, il est rappelé à Charlestown.
Le Grampus prend le chemin du retour. Il croise, le 3 mars 1843, le Madison, au large de Saint Augustine, au nord de la Floride. C'est la dernière fois qu'on le verra : le Grampus disparaît à jamais. On ne retrouvera ni survivant, ni victime, ni épave...
Vaisseaux fantômes
Outre les navires qui sombrent corps et biens, le triangle des Bermudes recèle bien d'autres mystères, comme ces vaisseaux fantômes retrouvés toutes voiles tendues, intacts... mais vides.
Tel est le cas du Rosalie.
En 1840, l'équipage et les passagers d'un bâtiment français de fort tonnage, le Rosalie, retrouvé sur la route maritime de La Havane, semblent s'être volatilisés.
Voici ce que dit le Times à ce sujet:
«Le Times, Londres, 6 novembre 1840.
Navire déserté. Une lettre en provenance de Nassau, dans les Bahamas, et datée du 27 août, raconte ce qui suit: « Quelque chose de singulier est arrivé ces derniers jours. Un de nos petits caboteurs a rencontré un gros navire français, parti de Hambourg à destination de La Havane, et qui était complètement abandonné. La majeure partie de ses voiles était hissée. Le bâtiment ne paraissait nullement endommagé. Sa cargaison, composée de vins, de fruits, de soieries, etc., était d'une très grande valeur et en parfait état. Les papiers du capitaine se trouvaient en sûreté et au bon endroit. Les sondages donnèrent trois pieds d'eau dans la cale, mais on ne trouva aucune voie d'eau. Il n'y avait aucune créature vivante à bord, excepté un chat, quelques volailles, ainsi que plusieurs serins à demi morts de faim. Les cabines des officiers et des passagers étaient meublées avec élégance et tout indiquait qu'on venait juste de les quitter. Dans l'une d'elles, on trouva plusieurs articles de toilette, ainsi qu'une certaine quantité de vêtements féminins, hâtivement laissés de côté, mais il n'y avait pas âme qui vive à bord. Le vaisseau, qu'on avait dû quitter seulement quelques heures auparavant, contenait plusieurs ballots de marchandises destinées à des commerçants de La Havane. Ce navire, nommé le Rosalie, est très spacieux et sa construction récente. On n'a eu aucune nouvelle de l'équipage.»
Le «Sea-Bird» disparaît sans avoir livré son secret
Dix ans plus tard, en 1850, des pêcheurs d'Easron Beach, près de Newport, Rhode Island, en face des Bermudes, aperçoivent un bateau qui, toutes voiles déployées, pavillons au vent, se dirige, sans dévier sa route, droit vers un banc de sable de la côte. La catastrophe paraît inévitable. Mais le bâtiment s'échoue en douceur et sans aucun dommage.
Les pêcheurs .s'en approchent et constatent qu'il s'agit du Sea-Bird, attendu à Newport... mais au port!
Quelques hommes montent à bord et se regardent, déconcertés : tout est désert, et cependant le café bout sur les fourneaux, le déjeuner est prêt, le livre de bord est à jour et une légère odeur de tabac flotte encore dans le poste d'équipage.
Le seul être vivant qu'ils découvrent, assis tranquillement sur le pont, est un roquet !
Que s'est-il donc passé? Une mutinerie, tout comme une attaque de pirates, aurait laissé des traces de violence, des cadavres, du sang, des blessés...
Or, rien ne laisse supposer un tel drame sur ce bateau parfaitement en ordre. Dans ces conditions, qu'est devenu l'équipage? Comment le navire a-t-il pu mettre le cap sur Newport sans aucune présence humaine à bord?
Pendant quelques jours, le Sea-Bird est laissé sur place, solidement échoué sur son banc de sable. Puis, par une nuit de tempête, il se dégage et reprend la mer pour disparaître à jamais dans le triangle des Bermudes en emportant son secret...
L'étrange affaire de la «Mary Céleste»
Vingt-deux ans plus tard, en 1872, éclate l'affaire de la Mary Céleste, qui est certainement l'une des plus grandes énigmes de la mer, celle qui a fait couler le plus d'encre. On a raconté tant d'histoires, avancé tant d'hypothèses sur cette disparition qu'il est pratiquement impossible, aujourd'hui, de faire le partage entre le vrai et le faux.
Le 4 décembre 1872, le navire britannique Dei Gratia croise au nord des Açores un brick américain de cent trois pieds de long, la Mary Céleste.
La course désordonnée de cette dernière surprend le commandant Moorehouse qui envoie quelques matelots voir ce qui se passe à bord. La Mary Céleste est abandonnée: le capitaine Briggs, sa femme, sa fille et les huit hommes de l'équipage ont disparu. Par contre, la table est prête pour le petit déjeuner. Perplexe, le capitaine Moorehouse ramène la Mary Céleste à Gibraltar où une enquête est ouverte.
En premier lieu, les enquêteurs remarquent, de chaque côté du bateau, à cinquante centimètres au-dessus du niveau de flottaison, des rainures bizarres.
On pense alors à un abordage, mais cette suggestion est écartée pour deux raisons: les rainures semblent provoquées par un outil à main et, d'autre part, on ne relève a priori aucune trace de violence.
Par la suite, les enquêteurs découvrent un autre indice: sur le pont du navire, de même que sur une épée trouvée à bord, il y a des taches rouge-brun qui ressemblent à des taches de sang. Ces taches sont immédiatement analysées en laboratoire. Le très ambigu rapport des examens conclut que «dans l'état actuel de nos connaissances scientifiques, il n'y a de sang ni dans les taches trouvées sur le pont de la Mary Céleste, ni dans celles trouvées sur la lame de l'épée».
L'enquête piétine. Le gouvernement américain prend position sur ce qui est devenu l'affaire numéro un du pays. Le secrétaire au Trésor, William A. Richard, affirme dans une lettre ouverte publiée en première page du New York Times, le 25 mars 1873 :
«Les circonstances de l'affaire sont très suspectes et donnent à penser que le maître du navire, sa femme et son enfant, et peut-être le second, auraient été assassinés par l'équipage, rendu furieux sous l'effet de l'ivresse et qui aurait évidemment eu accès à l'alcool faisant partie de la cargaison.
»0n croit que l'équipage abandonna le bâtiment entre le 25 novembre et le 5 décembre et qu'il périt en mer, à moins que, chose plus probable, il se soit échappé à bord de quelque vaisseau en route pour l'Amérique du Nord ou du Sud, ou encore pour les îles des Indes occidentales.»
Conan Doyle au secours des enquêteurs
En désespoir de cause, on fait appel au romancier Conan Doyle, le futur père de Sherlock Holmes, qui propose une solution.
Selon lui, le cuisinier, pris de folie soudaine, a empoisonné d'abord le capitaine Briggs, puis Mme et Melle Briggs et enfin, un à un, les membres de l'équipage, avant de se jeter à la mer.
L'hypothèse de Conan Doyle ne résiste pas à l'analyse : d'une part les marins se seraient méfiés après les premiers décès et d'autre part l'hypothèse n'explique ni la présence des rainures ni celle des taches.
Que s'est-il donc réellement passé à bord de la Mary Ce/este ? Après des investigations longues et ardues, les enquêteurs présentent enfin leurs conclusions. D'après eux, les membres de l'équipage, devenus déments à la suite d'une intoxication alimentaire, auraient assassiné le capitaine et sa famille avant de se jeter à l'eau. Mais là encore, comment expliquer les taches et la rainure?
Les curieuses révélations d'un médium américain
Un siècle plus tard, l'énigme de la Mary Ce/este exerce toujours une étrange fascination non seulement sur ceux que passionnent les drames de la mer, mais aussi sur les hermétistes et ésotéristes en tous genres.
Une association américaine de spirites et de voyants organisera, en 1969, à San Diego, en Californie, une séance au cours de laquelle un médium fait de curieuses révélations sur la fin tragique de la Mary Ce/este.
Voici, rapportée par la revue Point de Vue-Images du Monde (n° 1076) la déclaration faite par ce médium en état de transe:
«Je suis Mme Briggs, la femme du capitaine de la Mary Ce/este. Chaque jour, à bord, pour rompre la monotonie du voyage, je jouais du piano. Quand le brick eut dépassé les Açores, des phénomènes étranges commencèrent à se produire; chaque fois que je jouais, une musique lointaine semblait répondre à la mienne.
»Cela venait de la mer, comme s'il existait un écho marin, comparable à celui qu'on entend parfois en montagne. Tout l'équipage l'entendit et se mit à scruter les flots avec une crainte visible. Certains hommes, pris de panique, me demandèrent de ne plus jouer.
»ll y eut même un début de mutinerie, que mon mari calma péniblement. Il avait beaucoup lu et pensait que notre zone de navigation devait être celle de l'ancienne Atlantide.
»Un jour, en scrutant les fonds, il vit s'animer une sorte de prairie flottante, recouverte de végétaux ne semblant pas être des algues. Une autre fois, surexcité, il m'emmena sur le pont pour me montrer ce qui ressemblait à des ruines de maisons, à des colonnades brisées, en marbre. Je crus évidemment à un mirage.
«Dans la nuit qui suivit, des chocs insolites ébranlèrent la coque. L'aube se levait à peine que notre homme de vigie hurlait, tandis que le bateau s'immobilisait. Il était échoué sur une terre inconnue.
» Mon mari cria : «Voyez, c'est l'Atlantide miraculeusement remontée des eaux!»
»Dans un élan d'exaltation, nous avons tous quitté le bord.
»La végétation était extraordinaire. Nous allions à la découverte en chantant et, tout à coup, alors que nous arrivions à proximité de ce qui semblait être un temple en ruine, le sol se déroba sous nos pieds, par un mouvement géologique inverse de celui qui avait fait surgir la terre de l'eau.
»La Mary Céleste, libérée, poursuivit aussitôt sa route, seule, vide. Nous avons tous péri dans la catastrophe.»
Angoisse pour l'«Atalanta»
Huit ans après ces événements, en 1880, le maléfique triangle des Bermudes fait de nouvelles victimes.
En janvier, le vaisseau de la Royal Navy Atalanta appareille des Bermudes à destination de l'Angleterre avec deux cent quatre-vingt-dix officiers et cadets de la marine. Les mois passent et le navire-école n'arrive toujours pas à Portsmouth. Le 13 avril 1880, le Times de Londres rend public le retard de VAtalanta :
«Soixante-douze jours se sont écoulés depuis que l'Atalanta, navire-école, a quitté les Bermudes pour revenir à Portsmouth. Il n'a pas donné de ses nouvelles depuis et l'on craint que des vents puissants ne l'aient avarié et détourné de sa course. Bien que l'Amirauté, il y a un certain temps, ait ordonné au Wye de se rendre aux Açores... pour rechercher le navire, leurs Seigneuries ont depuis jugé opportun de donner ordre à toute l'escadre de la Manche (cinq vaisseaux) de... croiser d'abord jusqu'aux Açores, puis vers Bantry Bay (Irlande), en vue de recueillir des renseignements sur le navire disparu. Les vaisseaux se déploieront à distance de signalisation les uns des autres, de manière à explorer une large étendue d'océan.»
L'inquiétude grandit, surtout dans les familles des marins. On redoute le pire et le Times se fait l'écho de cette angoisse:
«Bien que l'absence de renseignements favorise au plus haut point rumeurs et spéculations, le public fera bien de considérer un peu plus longtemps le navire comme simplement manquant. S'il avait coulé pendant une tempête, brûlé, ou heurté un iceberg, comme on l'a prétendu, on peut aisément présumer qu'il ne serait pas disparu sans avoir laissé tout au moins quelques épaves flottantes, pour raconter à leur manière le désastre... L'hypothèse qui prévalait était la suivante: le bâtiment aurait été démâté, il aurait été entraîné impuissant loin de sa route et, par conséquent, en dehors du parcours des steamers...
»Les récifs de corail aux alentours des Bermudes présentent des dangers extraordinaires... jusqu'à plus de dix milles de la terre ferme à certains endroits... Ces récifs ferment les îles sur trois côtés... et rendent les arrivées et départs extrêmement périlleux. Si l'Atalanta s'était brisé sur cette côte... son épave n'aurait en aucune façon gagné le rivage; au contraire, elle aurait selon toute probabilité, dérivé vers le large, poussée vers l'est par le Gulf Stream.»
Qu'est devenu l'«Atalanta»?
Quatre jours plus tard, le 20 avril 1880, l'hypothèse d'une issue fatale pour l'Atalanta semble se confirmer selon le Times:
«La canonnière Avon, de la station navale du Chili, est arrivée au havre de Portsmouth hier. Les marins racontent qu'ils ont aperçu aux Açores
«...Quelques officiers de l'Avon ne tiennent pas pour impossible que l'Atalanta ait donné contre un iceberg, mais ils rejettent l'idée qu'il ait pu chavirer.»
Au début du mois de juin, on est toujours sans nouvelles de l'Atalanta. Malgré les multiples recherches entreprises par la marine anglaise, le navire-école demeure introuvable.
Pour les autorités maritimes, l'affaire est classée le 10 juin 1880 :
«Le comptable général de la Marine a reçu de l'Amirauté des instructions à l'effet de mettre à jour les livres de l'Atalanta a la date du 4 de ce mois (juin). Le nom du navire-école sera immédiatement rayé des listes de la Marine... Les veuves des officiers recevront les rentes spéciales auxquelles elles ont droit par suite du décès de leurs maris noyés alors qu'ils étaient en service. »
La goélette sans nom
Le dernier bateau qui disparaît au XIXe siècle dans le triangle maudit des Bermudes est une goélette dont on ignore le nom et l'origine.
En août 1881, le commandant Baker, à bord de l'EIIen Austin, découvre à mi-chemin entre les Bahamas et les Bermudes, au beau milieu de l'Atlantique, à l'ouest des Açores, une goélette sans équipage et sans nom, venant apparemment du Honduras.
Une équipe de sauvetage est envoyée à bord et l'Ellen Austin, suivie de la goélette, prend la direction de Boston. Dans les jours qui suivent, une violente tempête s'élève et sépare les deux navires.
La mer redevenue calme, le commandant Baker retrouve l'étrange bâtiment et s'aperçoit, avec consternation, que les marins ont mystérieusement disparu.
Perplexe, il y envoie un nouvel équipage. Hélas, les malheureux disparaîtront, eux aussi, à jamais, à la faveur d'un brouillard dense qui permit à la goélette de s'évanouir dans l'immensité liquide...
Source : http://herboyves.blogspot.fr/2012_04_08_archive.html