Newgrange, un mystère historique
Toujours dans mes pérégrinations irlandaises, j’ai découvert il y a quelques temps le site archéologique de Newgrange. Bien que précédant les Celtes de plus de deux millénaires, ce site est souvent associé dans l’opinion commune à l’identité celte de l’île. Il est même sérieusement envisagé que les celtes aient eu une utilisation de ce tumulus mésolithique.
Ce tumulus fait partie d’un ensemble archéologique, la vallée de la Boyne (Bru na Boinne en irlandais, ou le palace de la Boyne), une vallée fertile du comté de Meath, juste au nord de Dublin, traversée et largement irriguée par le fleuve qui lui donne son nom. Dans cette vallée verte, on trouve plus d’une quarantaine de sites remontant au mésolithique : en plus de Newgrange, on trouve deux autres tumulus de taille équivalente : Knowth et Dowth. Les deux sont pour l’instant le domaine exclusif des archéologues, on ne peut même pas s’approcher de Dowth. Une petite quarantaine de petits tumulus, tombes marquées par des cairns ou des fosses aménagées, marquent le paysage.
Newgrange est cependant le site le plus grand et le premier à avoir été redécouvert au 17ème siècle. Depuis, il a fait l’œuvre de nombreuses spéculations historiques, et les celtes n’y ont pas échappé.
Newgrange est un tumulus de pierre creusé d’une chambre à l’usage mystérieux, vieux de cinq mille ans environ. A l’époque, le mésolithique, on trouvait en Irlande de nombreuses forêts, beaucoup plus qu’aujourd’hui, et la vallée de la Boyne était (relativement) facilement accessible depuis l’île de Grande Bretagne. La première arrivée connue de l’homme sur l’île d’Irlande est située dans le nord de l’Irlande du Nord, vers l’actuelle Coleraine, car le passage entre l’Écosse et l’Irlande est là au plus étroit.
Cependant, la vallée de la Boyne est beaucoup plus propice à une installation sédentaire, avec ses plaines fertiles et le fleuve qui la traverse, navigable sur une bonne longueur. Les traces d’installations sont donc très anciennes, et il n’est pas étonnant que les celtes y aient placé leur Haut-Roi (à quelques kilomètres au sud de Bru na Boinne, sur la colline de Tara).
Le tumulus de Newgrange retient l’attention des historiens pour son caractère exceptionnel. Déjà, il est très grand, surtout pour l’époque : près de quatre mètres de haut, 80 m de diamètre… On a du mal à réaliser, en se tenant devant, que les hommes de l’époque ne disposaient d’aucun outil pour charrier et poser ces tonnes de pierres. Le monument a été restauré grâce à certaines portions de mur intactes, et l’aperçu qu’on en a aujourd’hui lorsqu’on s’y rend est certainement celui qu’avaient ses constructeurs il y a quatre mille ans.
Les Celtes sont arrivés en Irlande entre 1000 et 500 avant J.C., bien après la construction du site. Pourtant, on a souvent associé Newgrange à ce peuple, notamment à cause des différentes hypothèses de l’utilisation qu’on en faisait.
Car Newgrange est bien plus qu’un tumulus. En dessous de l’amas de pierres savamment placées, on trouve une chambre, au bout d’un couloir étroit d’une vingtaine de mètres de long. Dans cette chambre, trois alcôves avec des vasques de pierre quasiment plates, contenant des débris d’os et d’autres objets de l’époque. Les restes d’os ont permis de soulever la première hypothèse de chambre funéraire, ce qui collait avec l’utilisation de très nombreux tumuli au travers de l’Irlande et de l’Europe.
Cependant, lors de fouilles et de la reconstruction du site, les archéologues ont découvert une particularité unique : Newgrange est construit de façon à être aligné avec le solstice d’hiver. Pendant quelques jours autour du 21 décembre, aux alentours de 8h du matin, le soleil entre directement dans le long couloir pour éclairer la chambre normalement plongée dans le noir pendant une vingtaine de minutes.
Pour permettre ce petit miracle malgré la pente du chemin qui mène à la chambre, une petite fenêtre a été aménagée pour laisser entrer le soleil à cette occasion spéciale. Le hasard est donc tout à fait exclu. C’est ce phénomène qui a donné lieu à de très nombreuses suppositions, dont certaines concernant les Celtes, connus pour leurs fêtes liées aux cycles solaires et saisonniers.
Si on a trouvé des ossements humains dans la chambre du tumulus, on ne sait pas s’ils ont été placés là en guise de lieu d’enterrement, ou s’ils sont le résultat d’un sacrifice, à l’occasion du solstice d’hiver par exemple. De nombreux questionnements sont posés par rapport à l’utilisation réelle du site : simple lieu d’enterrement pour un riche propriétaire de l’époque néolithique, lieu de rituel pour les premiers cultes de l’histoire de l’humanité, ou lieu de religion longtemps utilisé, jusqu’aux Celtes qui, comme de nombreux peuples, aimaient fêter le solstice d’hiver, ce jour le plus court de l’année, où les ténèbres l’emportent provisoirement sur le jour avant que la lumière ne croisse à nouveau, donnant lieu à une nouvelle année.
La pierre gravée à l’entrée du couloir rend la théorie d’une utilisation par les celtes très probable : gravée de spirales, un motif cher à ce peuple pour sa symbolique d’initiation et de renaissance permanente, elle bloque littéralement l’entrée à la chambre, posant une barrière physique incarnant sans doute les obstacles sur le chemin de l’élévation spirituelle.
C’est une théorie que j’aime bien (en même temps, pour une amatrice du monde celte…), et qui n’a rien d’excentrique. Elle permet en même temps de comprendre l’importance des rituels et de la symbolique pour les Celtes, ainsi que le calendrier déjà suffisamment précis il y a plusieurs millénaires pour orienter tout un monument sur un instant précis de l’année.
L’importance du solstice d’hiver pour les Celtes n’est plus à préciser : ils placent l’obscurité avant la lumière, la journée commençait à la tombée de la nuit, et l’année commençait au moment où la nuit règne sur le monde, le solstice d’hiver. De nombreuses légendes sont associées à cet évènement majeur de l’année celtique, et de nombreux dieux y sont spécifiquement consacré.
Newgrange est donc un site majeur dans l’histoire irlandaise, évoluant sur plusieurs millénaires et sans doute aucun utilisé par plusieurs peuples. Nos connaissances actuelles ne sont pas assez précises pour avoir une idée précise de son importance pour les peuples successifs. Cependant, la pensée celtique, (re-)découverte par de nombreux amateurs ou professionnels de l’histoire, permet d’envisager de nombreuses possibilités, correspondant à l’esprit celtique.
Cet esprit est généralement considéré comme assez ouvert pour que l’idée que vous vous en fassiez puisse être la bonne. Lieu de culte pour des rituels primaux, lieu d’enterrement pour un riche propriétaire ? A vous de voir.
Source : http://www.les-mondes-de-gwenn.fr/2010/08/31/newgrange-un-mystere-historique/