Cannibalisme de masse dans un village du néolithique
Des traces de découpe ont été retrouvées sur des milliers d'ossements humains.
Cela se passait il y a plus de 7 000 ans, à une centaine de kilomètres de ce qui est aujourd'hui Strasbourg. Des centaines d'hommes, de femmes ou d'enfants ont vécu là leurs derniers moments dans, apparemment, des conditions très violentes et sanguinaires. Le site de Herxheim, en Allemagne, s'est révélé être une véritable mine d'or archéologique. Et les milliers d'ossements qui reposent là, humains ou animaux, les céramiques et poteries, dont certaines très bien conservées, et bien d'autres éléments ont commencé à livrer leurs secrets. Et éclairent d'un jour nouveau le possible cannibalisme de nos ancêtres du Néolithique.
L'aventure commence au milieu des années 1990 dans cette région de Rhénanie-Palatinat où les travaux préalables à la création d'une zone commerciale mettent au jour les vestiges d'un petit village datant d'une période appelée Rubané, au Néolithique, vers 5 500 av. J.-C. L'archéologie de sauvegarde appelée à la rescousse découvre vite des traces d'habitations entourées d'une double série de fosses, presque circulaires mais discontinues. Et dans ces fosses, les chercheurs découvrent des crânes et des os humains brisés, enchevêtrés, mais disposés de manière extrêmement ritualisée. Les restes de près de mille individus seraient ainsi présents sur le site.
«Cannibalisme guerrier »
Cimetière avec rites funéraires, lieu d'une bataille, «temple» d'une «religion» de l'époque ? Une première campagne de fouille, menée de 1996 à 1999, n'apporte guère de réponses sûres. La deuxième campagne, effectuée entre 2005 et 2008, fruit d'un programme de recherche franco-allemand impliquant des archéologues de Rhénanie-Palatinat emmenés par Andrea Zeeb-Lanz et des chercheurs des universités de Strasbourg et de Bordeaux, s'avère plus riche d'enseignements.
À partir d'un puzzle de plus de 2 000 restes humains récoltés sur un seul site, provenant d'une dizaine de personnes, sans doute deux bébés, quelques adolescents et quelques adultes, une équipe française vient de publier ses premiers résultats dans la revue Antiquity.
«Eh oui, nous avons employé l'expression cannibalisme de masse car ce sont les conclusions de nos études sur les ossements. Il y a clairement des traces de découpe “bouchère”, pour enlever les chairs, couper les tendons, des traces d'écorchement des crânes, résume Bruno Boulestin, anthropologue au Laboratoire d'anthropologie des populations du passé de l'université Bordeaux-1. Mais parmi les différentes formes de cannibalisme, on peut exclure celui de nécessité alimentaire. Il ne semble pas non plus que ce soit des rites funéraires. Pour le moment, nous penchons plutôt pour un cannibalisme guerrier. Des sortes de sacrifices, avec consommation de viande humaine, sur des populations victimes de razzias.» Il reste encore bien des études à mener sur tous ces vestiges archéologiques. Et même si de nouvelles fouilles ne sont pas à l'ordre du jour, ce qui a été déjà exhumé ne demande qu'à parler encore plus.
Source : http://www.lefigaro.fr/sciences-technologies/2009/12/11/01030-20091211ARTFIG00309-cannibalisme-de-masse-dans-un-village-du-neolithique-.php