Katyn, le mensonge soviètique
Massacre de Katyń
Le nom de massacre de Katyń désigne le meurtre de plusieurs milliers de Polonais — essentiellement des personnalités, des officiers mais aussi des étudiants (officiers de réserve), des médecins et des membres des élites polonaises réputées hostiles à l’idéologie communiste — par la police politique de l’Union soviétique (le NKVD) au printemps 1940 dans une forêt de Katyn (en), village russe proche de Smolensk et de la frontière biélorusse.
L'URSS a nié sa responsabilité dans le massacre dès qu’il fut révélé par les nazis, ainsi que durant toute la Guerre froide et en a rendu l’Allemagne nazie responsable. En 1990, la Russie a reconnu que ce massacre avait été ordonné par les responsables soviétiques1. Outre ce crime, d’autres exécutions massives de membres de l’élite polonaise (de 25 000 à 26 000 personnes) ont été perpétrées en 1940 en divers lieux de l’ouest de l’URSS suite au partage de la Pologne entre l’Allemagne nazie et l'Union soviétique.
Pour différentes raisons, dont notamment l’exploitation au début de l'année 1943 par la propagande allemande du massacre de Katyń découvert en 1941 lors de l’avance allemande en Russie, l’histoire a retenu ce massacre particulier comme emblématique de l’ensemble de ces crimes commis à l'encontre de la nation polonaise par l’URSS.
Les tensions entre la Pologne et l'Union soviétique durant la première moitié du XXe siècle
1918-1939
À la fin de la Première Guerre mondiale, la Pologne retrouve son indépendance. Cependant, la frontière avec la Russie est mal définie par le traité de Versailles. Alors que la Russie veut avancer vers l'ouest pour faire jonction avec la Hongrie communiste et les révolutionnaires allemands, la Pologne veut récupérer, vers l'est, les territoires qu'elle a perdus lors des partages de la Pologne à la fin du XVIIIe siècle.
Trop occupée avec sa guerre civile, la Russie laisse la Pologne lancer la première offensive de grande ampleur, l'opération Kiev, qui marque le début officiel de la guerre russo-polonaise de 1920. La Pologne est bientôt menacée par la supériorité numérique de l'Armée rouge, qui marche sur Varsovie. Soutenue par l'Angleterre et la France (le jeune officier Charles de Gaulle s'illustre à cette occasion), elle résiste cependant victorieusement et impose à la Russie la paix de Riga, qui voit la frontière de la Pologne avancer de quelque 200 km à l’est. Quelque 110 000 prisonniers soviétiques sont internés dans des camps, où environ 30 000 meurent.[réf. nécessaire] Cette victoire polonaise laisse sans doute un désir de revanche à la Russie soviétique, notamment à Staline, personnellement impliqué dans l'offensive soviétique et sa défaite2.
1939 : l'invasion de la Pologne par l'Allemagne et l'URSS
L'animosité russo-polonaise est renforcée à la fin des années 1930, lorsque la Pologne refuse d'accorder un droit de passage sur son territoire à l'Armée rouge, que ce soit pour défendre la Tchécoslovaquie attaquée par Hitler en 1938, ou pour servir "d'avant poste" à l'Armée rouge contre les troupes nazies menaçantes3. En effet, la Pologne restait fidèle à sa ligne politique d'équilibre entre ses deux voisins aussi puissants qu'hostiles, qui n'avaient toujours pas accepté sa renaissance après la première guerre mondiale. Aussi a-t-elle signé un pacte de non-agression avec l’Allemagne en janvier 1934 après avoir fait de même avec l'Union soviétique dès juillet 1932. Complétés par son alliance défensive avec la France de 1921, la Pologne espérait que ses accords diplomatiques lui permettrait d'échapper à la guerre et/ou à l'occupation4,5. Staline, pour qui la collaboration polonaise était un minimum pour que l'alliance qu'il cherchait à conclure avec la France et l'Angleterre contre l'Allemagne nazie ait un sens, finit par perdre patience et tourne bride, signant le 23 août 1939 le pacte germano-soviétique. L'une des clauses secrètes de ce pacte consistait justement en un partage de la Pologne entre l'Allemagne et l'URSS, partage qui suivait à peu près le tracé proposé par les occidentaux lors de la guerre de 1920 (ligne Curzon).
La Pologne est finalement envahie par les armées allemandes le 1er septembre 1939, puis par l’Armée rouge le 17 septembre 1939 (les Soviétiques prétextant notamment le besoin de protection des populations biélorusses et ukrainiennes, majoritaires dans une partie des territoires polonais concernésNote 1).
La programmation des massacres
Dès le 19 septembre 1939, le commissaire du peuple aux Affaires intérieures et à la Sécurité de l’État de l’URSS, Lavrenti Beria, ordonnait au NKVD de créer un « Directorat pour les Prisonniers de Guerre », afin de prendre en charge les prisonniers polonais. Le NKVD organisa un réseau de centres de détention et de camps de transfert, puis transféra les prisonniers dans l'ouest de l'URSS.
Environ 250 000 soldats polonais, dont 10 000 officiers7, furent faits prisonniers par les Soviétiques. La moitié d’entre eux — les simples soldats — fut relâchée par l’Armée rouge, les autres étant confiés au NKVD, lequel relâcha rapidement 42 400 soldats pour la plupart de nationalité ukrainienne ou biélorusse et en livra aux Allemands 43 000 autres, originaires de Pologne occidentale. Au 19 novembre 1939, le NKVD ne détenait plus qu'environ 40 000 prisonniers de guerre dont à peu près 8 500 officiers et sous-officiers. Beaucoup furent employés comme travailleurs forcés. Dans le même temps, depuis les zones polonaises occupées, afin d’éliminer « les classes sociales hostiles » au communisme, des centaines de milliers de Polonais étaient déportés dans divers camps du Goulag.[réf. nécessaire]
Fin février 1940, 6 192 policiers et assimilés et 8 376 officiers restaient toujours internés8. Ces prisonniers furent soigneusement triés. Les officiers, parmi lesquels de nombreux étudiants (car le système de conscription polonais les incorporait systématiquement dans l’armée de réserve), furent rassemblés dans les deux camps de concentration de Kozielsk et de Starobielsk. Les cadres de la police, de la gendarmerie, des gardiens de prison, des gardes frontières et du scoutisme dans celui d'Ostachkov. Ces trois camps avaient également reçu des membres de l'élite civile polonaise (médecins, avocats, professeurs...), de même d'ailleurs que sept autres camps mineurs de l'URSS occidentale. La répartition des hommes était la suivante : 5 000 à Kozielsk, 6 570 à Ostachkov, et 4 000 à Starobielsk9. Le jour de Noël 1939, les religieux de toutes les confessions en furent retirés. On suppose qu’ils furent éliminés. Tous ces hommes subirent de longs interrogatoires et un espionnage interne permanent destinés à repérer ceux qui seraient enclins à servir le communisme. L’échec fut total10.
Le 5 mars 194011, les membres du Politburo, Staline, Kliment Vorochilov, Anastase Mikoyan, Viatcheslav Molotov, Lazare Kaganovitch et Mikhaïl Kalinine - ces deux derniers étant absents lors de la réunion - donnent leur accord à la demande de Lavrenti Beria d'appliquer « le châtiment suprême, la peine de mort par fusillade » à 25 700 « prisonniers polonais, anciens officiers, fonctionnaires, agents de police, agents de renseignement, gendarmes [...], membres de diverses organisations contre-révolutionnaires d'espions et de saboteurs.... », sans comparution des détenus devant les tribunaux spéciaux du NKVD, ni acte d'accusation12.
Les assassinats
Les assassinats sont perpétrés par les services spéciaux du NKVD qui comptent quelques milliers « d'exécuteurs de sentences » professionnels, spécialement entraînés pour tuer les condamnés et cacher leurs corps (Z61-62). Ce meurtre de masse nécessite un personnel nombreux et formé, afin, en moins d'un mois, de fusiller des milliers de personnes, de cacher leurs corps, d'effectuer des transports dans une zone rurale mais densément peuplée et de maintenir le secret sur l'ensemble du processus (Z61).
Les victimes sont tuées d'une balleNote 2 tirée dans la partie postérieure du crâne(Z61). Si les munitions sont indubitablement de fabrication allemande, les corps de certaines victimes présentent des traces de coups de baïonnette à quatre côtés, utilisées par l'Armée soviétique, et les cordes qui attachent les mains derrière le dos et sont reliées à une corde nouée autour du cou, sont également de production soviétique(Z61-62).
Les méthodes d’exécution avaient depuis longtemps déjà été éprouvées sur les citoyens soviétiques. Les condamnés étaient transportés en train jusqu’à la gare la plus proche puis en camion jusqu’à l'endroit de l’exécution. Les transports quotidiens étaient de moins de cent personnes. Chaque individu était ligoté séparément, puis placé sur le bord de la fosse, où on lui tirait une balle dans la nuque. Les exécutions s’effectuaient habituellement au moyen de pistolets WaltherNote 3 fournis par Moscou, modèle de fabrication allemande, comme les balles, couramment exportés pendant la période 1920-1926, notamment en Estonie dont les arsenaux militaires venaient d'être saisis par les Soviétiques.13
Entre le 3 avril et le 13 mai 1940, 4 404 prisonniers furent transportés de Kozielsk, dans la forêt de Katyń, près de Smolensk, située à environ 50 kilomètres de la frontière biélorusse, où ils furent abattus d’une balle dans la nuque et ensevelis dans des fosses communes. Les 3 896 prisonniers de Starobielsk furent assassinés dans les locaux du NKVD à Kharkov et les 6 287 hommes détenus à Ostachkov tués à Kalinine (aujourd'hui Tver)14. Les corps ont été retrouvés dans le charnier soviétique de Piatykhatky. Les massacres ont donc concerné au cours de ces seuls trois mois plus de 14 400 Polonais. Il faut ajouter à cela près de 7 800 membres de réseaux de résistance et fonctionnaires divers, non mobilisés dans l'armée, qui, au titre de la décision du 5 mars 1940, furent fusillés par les OSO (Conseil spécial de la Police) ; on en compte 3 400 en Ukraine et 3 880 en Biélorussie15.
On a retrouvé dans les fosses communes de Bykovnia près de Kiev une partie des officiers polonais ayant transité par Katyń et dont on avait perdu la trace. Plus de trois mille corps d'officiers polonais ont été déterrés dans cet immense charnier soviétique (ouvert en 1937 pour faire disparaître les dizaines de milliers de victimes des Grandes Purges staliniennes en Ukraine), qui sera visité pour cette raison par le pape polonais Jean Paul II en 2001. Ce n'est qu'à l'occasion de cette visite que la mention de la responsabilité nazie dans ce massacre a été effacée. Comme à Katyń, les soviétiques ont attribué à l'Allemagne ces fosses découvertes lors de l'offensive allemande Barbarossa. Tous les cadavres portaient la marque d'une ou plusieurs balles dans la tête. Les agendas et autres documents retrouvés ont permis de confirmer la seule responsabilité soviétique dans le massacre. Une cérémonie a été organisée en 2007 en présence des plus hautes autorités civiles et religieuses ukrainiennes lors de la nouvelle inhumation des corps après l'examen par les légistes.
Une autre partie des victimes a été retrouvée dans le charnier soviétique de Mednoye. Les Polonais ont construits un mémorial dans chacun des sites où les corps des militaires polonais ont été retrouvés.
Le point de vue allemand : découverte, enquête et propagande
La découverte
En août 1941, quelques semaines après le début de l'invasion de l'URSS par la Wehrmacht, les troupes allemandes découvrent dans la forêt de Katyń un premier charnier qui contient les restes de plusieurs centaines d'officiers polonais.
Signal, l'hebdomadaire illustré de la Wehrmacht, publie des photos de l'exhumation des corps : les uniformes sont reconnaissables et les cadavres dans un état de décomposition assez peu avancée. L'ensemble de la presse nazie exploite largement, à cette époque, la macabre découverte.
Fin 1942, des cheminots polonais, qui conduisent les trains allemands, rapportent avoir entendu des paysans biélorusses parler de soldats polonais enterrés dans la forêt de Katyń. C'est ainsi que d'autres charniers, bien plus importants que celui de l'été 1941 sont découverts.
Au printemps 1943, les militaires allemands mettent au jour plus de 4 500 corps d’officiers polonaisNote 4 empilés dans plusieurs fosses. Le 13 avril, les médias allemands rendent publique la découverte des corps d'environ un millier d'officiers polonais, fusillés, d'après la presse allemande, par le NKVD16. Deux jours après, les dirigeants soviétiques nient leur responsabilité sur les ondes en répliquant que les nazis ont commis ces atrocités lors de leur avance au cours de l’année 1941. Les autorités du Reich exploitent intensément l'événement dans le cadre de leur propagande antisémite jusqu'à l'été 1943. « Le mot d'ordre “Katyń” recouvrit la pire campagne antisémite qu'ait connu le régime depuis son avènement » analyse l'historien allemand Peter Longerich17. Pour les nazis, ce massacre était un « massacre juif ». En retour « l'anéantissement des Juifs pour ne pas être anéantis par eux [...] constitua le cœur de la propagande sur Katyń »17.
Il a été avancé l'hypothèse que Iakov Djougachvili (un des fils de Staline) se serait suicidé au camp de concentration de Sachsenhausen le 14 avril 1943 après que la nouvelle du massacre fut parvenue à sa connaissance.[réf. nécessaire]
L'enquête
Dans la foulée de l'annonce du 13 avril, les autorités nazies mettent en place une commission d'enquête médicale internationale et suggèrent à la Croix-Rouge internationale d'envoyer ses propres experts sur place16. Afin d'utiliser le massacre à des fins de propagande, elles montrent le site à des prisonniers de guerre anglais et américains ; Heinrich Himmler suggère même au ministre des Affaires étrangères Joachim von Ribbentrop d'inviter à Katyn le chef du gouvernement polonais en exil, Sikorski16. « Connaissant bien la réaction de l'armée et de l'opinion publique polonaises, et devant les pressions de certains ministres qui avaient perdu des parents dans les camps soviétiques », Sikorski sollicite également l'envoi d'experts de la Croix-Rouge : cette demande fournit un prétexte à Joseph Staline pour rompre les relations diplomatiques avec le gouvernement polonais en exil, rupture officialisée le 26 avril18.
La commission internationale, essentiellement composée de représentants de pays alliés à l'Allemagne nazie ou occupé par celle-ci, à l'exception de la Suisse, publie ses conclusions unanimes le 30 mai : les assassinats ont eu lieu au printemps 1940, ce qui en fait porter la responsabilité aux Soviétiques19. La commission d'enquête de la Croix-Rouge polonaise parvient à la même conclusion, mais elle ne la rend pas publique, pour de pas donner d'argument à la propagande nazie : son rapport est transmis au gouvernement britannique qui le classe comme un document ultra-secret et ne le divulgue qu'en 198920.
L'exploitation antisémite
Selon l'historien allemand Peter Longerich21, la découverte des charniers coïncide avec un tournant de la propagande antisémite nazie. Cette propagande entre dans une phase au cours de laquelle il s'agit moins de dissimuler l'extermination des Juifs que d'avertir les Allemands que dans le cas où l'Allemagne nazie perdrait la guerre, elle serait l'objet de représailles terribles de la part des Soviétiques et des Juifs, systématiquement assimilés l'un à l'autre.
Ainsi, dès la découverte, Goebbels note-t-il dans son journal, le 9 avril : « À proximité de Smolensk, on a retrouvé des fosses communes polonaises. Les bolchéviques y ont tout simplement abattu et entassé quelque 10 000 prisonniers polonais [...] J'invite des journalistes neutres de Berlin à visiter les fosses communes polonaises. [...] Sur place, ils devront se convaincre de leurs propres yeux de ce qui les attend si ce qu'ils souhaitent tant s'accomplissait vraiment, à savoir que les Allemands soient battus par les bolcheviques »22.
Une violente campagne antisémite s'ensuit dans la presse allemande. Le 17 avril, Goebbels écrit : « Nous allons tellement agiter la propagande antisémite que, comme dans le temps de la lutte, le mot "Juif" sera de nouveau utilisé avec le ton dévastateur qu'il mérite »23. Et effectivement, la campagne menée sur Katyn, en étroite liaison avec Hitler lui-même, recouvre la pire campagne antisémite qu'ait connue le régime nazi depuis 193324. La presse reprend le leimotiv de Katyn comme « massacre juif » 25. Le but est de démontrer ce qui attendrait la population allemande en cas de défaite dans cette « guerre juive ». Ainsi, présenté par la presse allemande comme une crime judéo-bolchevique26, celle-ci affirme, conformément aux consignes du bureau de presse du Reich27, que le sort des Polonais massacrés annoncerait le sort des populations européennes en cas de défaite allemande et fournit l'occasion, pour le bureau de presse du Reich, de publier un essai intitulé Juda veut assassiner les peuples d'Europe et de dénoncer non seulement les "plans juifs d'extermination" des peules d'Europe, mais aussi le meurtre rituel, soi-disant pratiqué par les Juifs, réalité « démontrable »28.
Les éditoriaux de Robert Ley dans Der Angriff sont basés sur la diffusion de fantasmes antisémites angoissants29. Car selon cette propagande, ce sont les Juifs, les communistes juifs qui sont à l'origine du massacre de Katyn. Le Westdeutscher Beobachter du 22 avril 1943, sous le titre « Le désir de meurtre des Juifs » assimile le massacre de Katyn au prétendu « meurtre rituel juif »
La campagne antisémite fléchit un peu ensuite dans la presse, mais Goebbels lui-même la relance dans un article paru le 9 mai 1943, dans Das Reich où il définit la guerre comme une « guerre de la race juive et des peuples qui la soutiennent contre l'humanité aryenne ». Il conclut sur la menace qui caractérise cette campagne : « Si les Puissances de l'Axe perdaient le combat, plus aucun barrage ne pourrait sauver l'Europe du déferlement judéo-bolchevique. »
La propagande soviétique
Peu après la libération de la zone de Katyn par l'Armée rouge, l'URSS met en place une commission d'enquête présidée par un chirurgien de renom, Nikolaï Burdenko : la « Commission spéciale pour la vérification et l'enquête sur l'exécution par les envahisseurs nazis des officiers polonais prisonniers de guerre dans le bois de Katyn »30. Cette commission attribue la responsabilité des assassinats aux forces armées allemandes, en se basant sur le fait, jamais contesté, « que les balles avec lesquelles les prisonniers polonais avaient été exécutés étaient de fabrication allemande »31. Dans un premier temps, elle situe la date des assassinats entre août et septembre 1941, avant de changer de version et de les situer entre août et décembre, les corps des victimes étant revêtus de vêtements d'hiver31.
Ces travaux servent de base à ceux de la commission pour l'organisation du procès de Nuremberg, dirigée par Andreï Vychinski : les responsables soviétiques comptent en effet sur le procès pour accréditer leur version des faits et attribuer officiellement la responsabilité du massacre aux nazis31. Les témoins sont préparés par des adjoints de Lavrenti Beria, préparation qui, « dans la langue du NKVD-KGB, a toujours eu une signification sinistre renforcée, dans le cas présent, par les noms de ceux qui se sont occupés du travail », comme Viktor Abakoumov31. Seul l'un des procureurs soviétiques à Nuremberg « refuse de participer à l'œuvre de falsification des dirigeants soviétiques » et veut faire part de ses doutes à Vychinski : il est retrouvé mort dans sa chambre d'hôtel le 23 mai 1946, vraisemblablement assassiné sur ordre de Beria31.
À la fin des hostilités, les Soviétiques déclarèrent zone interdite la région de Katyń, refusèrent toute enquête par des organisations internationales et, assurés du soutien passif (et, parfois même, actif) des Occidentaux, organisèrent, à l’aide des partis communistes locaux, selon la technique éprouvée de l’amalgame (ceux qui mettent en doute la thèse soviétique sont des pro-nazis), une campagne internationale pour discréditer les personnes connaissant le dossier par expérience directe et chasser de leur poste d’enseignant les membres de la Commission internationale de 1943 (les Pr Naville à Genève et Palmieri à Naples32).
Le gouvernement communiste de la nouvelle république populaire de Pologne quant à lui censura la question en accord avec la position soviétique. Cette attitude, couplée à celle des Anglo-Saxons, qui mirent tout « en œuvre pour supprimer (…) les informations susceptibles de contredire la version soviétique », laissèrent les mains libres à la propagande stalinienne33.
La position des États-Unis et de la Grande-Bretagne
La même année, le président des États-Unis, Roosevelt missionna le capitaine George Earle, son envoyé spécial dans les Balkans, afin de compiler les informations sur ce dossier. Earle utilisa ses contacts en Bulgarie et en Roumanie et conclut que le coupable était l’Union soviétique. Le président rejeta ses conclusions et ordonna la destruction du rapport. Quand Earle insista pour le publier, le président lui intima par écrit l’ordre de ne pas le faire, puis l’affecta aux îles Samoa. Roosevelt déclara solennellement que cette affaire ne représentait « rien d’autre que de la propagande, un complot des Allemands » et qu’il était « convaincu que ce ne sont pas les Russes qui l’ont fait »34.
De leur côté, les Britanniques bénéficiaient du rapport de leur ambassadeur auprès des Polonais, O’Malley, qui aboutissait à la même conclusion que George Earle. Ce qui ne modifia en rien la ligne stratégique adoptée par le gouvernement en vue de maintenir de bons rapports avec leur allié : faire en sorte « que l’histoire enregistre l’incident de la forêt de Katyń comme une tentative sans importance des Allemands pour retarder leur défaite »32. Les archives nationales américaines ont divulgué, depuis le 10 septembre 2012, de nouveaux documents secrets apportant les preuves que les Etats-Unis savaient, depuis 1943, que l'URSS était responsable du massacre35,36.
Polémique à Nuremberg sur l'implication des Soviétiques - 1946
Présenté par l’accusation soviétique, le rapport Burdenko, document officiel, répondait aux exigences de l’article 21 des statutsNote 5 pour être admis comme document à valeur probante (URSS-54). D’où la mention du massacre dans la liste des faits susceptibles d’être attribués aux accusés, constituant l’acte d’accusation, les trois autres parties (États-Unis, Royaume-Uni, France), bien qu’ayant protesté, n’avaient pas les moyens juridiques de s’y opposer37.
Le Livre Blanc allemand de 1943 fut, lui, admis au dossier au titre de l’article 19Note 6 c’est-à-dire, comme l’avait souligné le président du tribunal, doté d’une valeur probante éventuelle, accordée après examen (mais le cours des débats rendit cette valorisation sans objet)38.
L'un des procureurs soviétiques, Nicolaï Zoria, fut retrouvé mort dans son lit après qu’il eut manifesté son opposition à la manipulation en cours32.
L'intransigeance des Soviétiques à faire apparaître Katyń dans l’acte d’accusation était commandée par l’objectif final recherché : que ce crime soit cité dans le verdict. Ils tentèrent tout pour cela, à commencer par refuser la comparution de témoins au profit de déclarations écrites non publiques. Trois dépositions d’officiers allemands présents en 1943 furent cependant acceptées par le tribunal (sur six témoins demandés par la défense, dont le Pr François Naville, professeur de médecine légale et doyen de la faculté de médecine à Genève et membre de la Commission Internationale de 1943, qui fut refusé)39. L'accusation obtint corrélativement la présentation de trois témoins, dont le Pr Markov, un Bulgare, membre de cette même commission, que, avec les moyens de pression connus, les Soviétiques avaient « retourné », ainsi que le président de la Commission soviétique, Burdenko, qui était également le président de l'Académie des sciences médicales d’URSS.
Cependant, le rôle du tribunal n’était pas d'attribuer la responsabilité du massacre à l’Allemagne ou à l’Union soviétique, mais à l’un au moins des vingt-deux dignitaires de l'État national-socialiste poursuivisNote 7. La tâche de l'accusation était alors d'établir un lien entre les actes reprochés et les accusés. Mais, à l'audience, le procureur soviétique se révéla incapable de nommer le responsable de l'exécution du massacreNote 8, ainsi que le principal suspect parmi les accusésNote 9.
Les Soviétiques tentèrent malgré tout de faire passer en force leur point de vue, allant jusqu’à dénoncer une inadéquation des statuts du tribunal. Ce « baroud d'honneur » soulignait plus encore la faillite de l'accusation à charger les accusés, ce qui se matérialisa par l'absence de mention du massacre dans les 22 verdicts constituant le jugementNote 10.
Pour ce qui est de l'interprétation du traitement donné au massacre par le Tribunal Militaire International TMI, il y a un consensus parmi les historiens et journalistes qui ont assisté au procès de Nuremberg ou l'ont étudié : le déroulement des débats et l'absence de toute mention de Katyń du verdict signifient que la partie allemande a réussi à prouver son innocence, ce qui désigne en creux les Soviétiques comme coupables40. Par exemple, Annette Wieviorka analyse l’absence de mention de Katyń dans le jugement comme « l'aveu tacite de la culpabilité soviétique41 ». Elle reformule ainsi l'affirmation d’Alexandra Kwiatkowska-Viatteau selon laquelle, dans ce procès, « il y avait seulement deux meurtriers présumés (sic) responsables du crime [l’Allemagne ou l’URSS]33 ». Si toutes deux voient « Katyń disparaît[re] simplement du jugement », c’est parce que les juges ont montré un grand respect des droits de la défense. Bien que du camp des vainqueurs, ceux-ci auraient ainsi démontré leur équité. Étendue à l’ensemble du procès, cette disposition d’esprit non partisane établirait par conséquent la légitimité du tribunal.
L'épisode a néanmoins été utilisé, par exemple, par plusieurs personnes condamnées, en France, pour propos négationnistes, comme Robert Faurisson, dans le but de discréditer le jugement de Nuremberg en affirmant que les Allemands auraient été reconnus coupables pour Katyń et en soutenant que la loi Gayssot interdirait d'affirmer la culpabilité des Soviétiques à KatyńNote 11.
La période de la guerre froide - 1947 / 1990
Confusion avec le massacre de Khatyn
Pendant la Guerre froide, l'URSS a mis en avant le village martyr au nom paronymique de « Khatyn », en Biélorussie. Dans ce village, 149 personnes furent brûlées vives par les nazis, le 22 mars 1943.
Selon plusieurs chercheurs comme George Sanford (en) ou Victor Zaslavsky (en), il a existé chez les Soviétiques (et chez leurs porte-parole en Occident) une volonté d'entretenir la confusion entre les massacres de Katyń et de Khatyn pendant des décennies, dans une démarche propagandiste qui a rencontré un certain succès42. Des chercheurs, comme l'historien Norman Davies, expliquent ainsi que Khatyn a été choisi en 1969 pour y construire un mémorial à cause de la ressemblance avec le nom de Katyń43,44. Toute allusion soviétique aux villages martyrs était systématiquement construite autour de Khatyn, Lidice et Oradour (trois massacres pour lesquels la responsabilité des nazis ne faisait pas débat). Le texte de Vladimir Poutine, « Les leçons de la victoire sur le nazisme » publié dans le quotidien français Le Figaro le 7 mai 2005, cite encore une fois ces trois villages martyrs45.
Opinions publiques et gouvernements occidentaux
Le contenu des débats de Nuremberg, tout comme celui du Livre Blanc allemand et du rapport Bourdenko, n'ayant pas atteint le grand public, la culpabilité allemande ou tout au moins une culpabilité largement partagée restait dans la mémoire (collective), comme un fait de notoriété publique33.
Bliss Lane, ex-ambassadeur des États-Unis en Pologne, présida en 1949 une commission privée d’enquête sur Katyń et mena une campagne politique pour sensibiliser l’opinion sans obtenir de résultat. En 1951, les prisonniers américains de la guerre de Corée inspirant le Congrès des États-Unis, une commission spéciale fut constituée pour effectuer une enquête officielle sur Katyń. Elle conclut à la responsabilité du NKVD. Le gouvernement britannique rejeta cette conclusion. L'ensemble resta sans effet sur l’opinion publique. Cette enquête pouvait être interprétée comme une fabrication opportuniste, un avertissement diplomatique destiné aux Chinois et Coréens. Les médias britanniques et américains ne firent guère référence au massacre de Katyń jusqu'aux années 196046.
Les postures officielles restèrent ainsi fixées de part et d’autre du Rideau de fer. À la fin des années 1970, les autorités britanniques interdirent l’érection d’un mémorial affichant 1940 comme date des massacres sous le prétexte de son caractère provocant dans le contexte de la Guerre froide. De leur côté, celles de Pologne remplacèrent un mémorial érigé en 1981 par le syndicat Solidarność qui exhibait la simple inscription « Katyń, 1940 » par un monument officiel dédié « aux soldats polonais victimes du fascisme hitlérien reposant à Katyń »[réf. nécessaire].
Malgré ces attitudes officielles commandées par la nécessité de s'entendre ou de composer avec le régime soviétique, les travaux publiés des historiens réfutent la version officielle soviétique (parmi de nombreux autres, Józef Czapski, Terre Inhumaine, Janusz K. Zawodsky, Death in the forest, 1962, Henri de Montfort en 1969, Le Massacre de Katyn : crime russe ou crime allemand ?), au point que Jean-François Revel, dans La connaissance inutile47 reproche à Claude Lanzmann d'avoir publié en 1987 dans les Temps Modernes un article qui nie la responsabilité soviétique à Katyn alors « qu'elle a été scientifiquement établie par les historiens ». « Lanzmann parle avec un scepticisme opiniâtre de crimes imputés à Staline par la propagande nazie. Se rend-il même compte qu'il se laisse ainsi envahir par une obsession de nier ce qui lui déplait identique à celle qui pousse un Robert Faurisson et les "révisionnistes" à mettre en doute les preuves de l'existence des camps de la mort ? Ses faux camps de la mort à lui, mais soviétiques ceux là, sont ceux où avant juin 1941 furent de surcroît déportés 2 millions de Polonais dont la moitié au moins périrent de mauvais traitements ».
La couverture médiatique de Katyn, nulle dans les pays contrôlés par l'URSS où toute transgression du tabou vaut la mort[réf. nécessaire], est faible dans les médias occidentaux jusqu'à la chute de l'URSS[réf. nécessaire] et parfois sujette à caution : par exemple l'historien médiatique français Alain Decaux 48 en parle mais en évoquant une éventuelle coresponsabilité des Nazis.
L'aveu de Gorbatchev et la confirmation d' Eltsine, à la chute de l'URSS, la livraison des originaux des ordres de Staline par Vladimir Poutine, la fouille des quatre charniers secrets de l'ex-union soviétique, en dehors de celui de Katyn, où l'on retrouve les cadavres de la quasi-totalité des militaires polonais disparus, mettent un point final au débat historique.
Ils marquent une nouvelle orientation dans le traitement diplomatique du drame, notamment entre la Russie et la Pologne qui est autorisée à dresser des monuments en mémoire des victimes sur les lieux des fosses communes et d'y tenir des cérémonies religieuses régulières.[réf. nécessaire]
La sortie du film d' A. Wajda, Katyn, finit d'informer les opinions publiques et d'y généraliser la vérité sur la responsabilité soviétique du massacre[réf. nécessaire].
La découverte des archives soviétiques
Dans le contexte de la Glasnost et de la Perestroïka lancées par Mikhaïl Gorbatchev, une commission d'enquête polono-soviétique sur l'affaire de Katyn, supervisée par Alexandre Nikolaïevitch Iakovlev est mise en place : ses membres polonais, dont Wojciech Jaruzelski, n'obtiennent que des réponses dilatoires à leurs questions sur l'existence d'archives relatives au massacre.(Z47)
Les premières archives sont découvertes fortuitement à la fin des années 1980 par des historiens travaillant pour la commission dans un fonds au nom absolument inoffensif, celui du Centre pour la conservation des documents historiques ; même si ces documents ne contiennent pas de trace des ordres d'exécution, ils permettent d'établir la responsabilité soviétique dans le massacre de Katyn (Z48-51). Averti de ces découvertes et après quelques atermoiements, Gorbatchev présente ses excuses officielles au peuple polonais lors d'une cérémonie organisée au Kremlin, le 13 octobre 1990, à l'occasion de la journée mondiale pour les victimes de Katyn, et transmet aux autorités polonaises des documents d'importance secondaire(Z52).
En décembre 1991, Gorbatchev remet à Boris Eltsine des archives secrètes du Politburo, qui portent notamment sur le massacre de Katyn(Z53-54) : le 24 septembre 1992, les membres de la commission créée par Elstine prennent connaissance de ces archives qui contiennent des documents établissant de manière irréfutable la responsabilité soviétique (Z55-56). Ces documents sont produits devant la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie lors de la mise en accusation du PCUS comme organisation criminelle, puis transmis, en octobre 1992, au président Lech Walesa(Z56).
Cependant, en mars 2005, en réponse à la demande de la Pologne lors du 65e anniversaire du massacre, la Russie refuse toujours de transmettre des documents sur le sujet, encore classés secrets (116 sur les 183 volumes d’archives rassemblées pendant les investigations et la décision d’y mettre un terme furent classifiés)49.
Le procureur général militaire Alexandre Savenkov clôture une dizaine d’années d’instruction du dossier par un non-lieu, qualifiant le massacre de « crime militaire » pour l’assassinat de 14 540 personnes — ni génocide, ni crime contre l'humanité — ce qui lui accorde le bénéfice de la prescription (50 ans) - et que par conséquent il n’y avait plus lieu à débattre sur le plan judiciaire50.
En réponse, l’Institut polonais de la Mémoire nationale décide d’engager sa propre enquête51 et le Sénat polonais vote un texte demandant aux Russes de déclassifier les archives concernées et de qualifier Katyń de génocide52.
En mars 2005, Zbigniew Zaleski, eurodéputé de la Plate-forme civique et membre du PPE demande à Josep Borrell, alors président du Parlement européen, que l'assemblée observe une minute de silence en l'honneur des victimes. La requête lui est refusée au motif qu'il n'est pas possible de consacrer des minutes de silence à tous les événements tragiques du passé, pour lesquels des demandes affluent53.
En 2005, un crâne, oublié depuis la Seconde Guerre mondiale, refait son apparition à l'institut médico-légal de Copenhague. Membre de la commission internationale envoyée sur les lieux du massacre en 1943, le médecin légiste danois Helge Tramsen avait rapporté clandestinement de sa mission cet objet plutôt macabre. Sur place, il avait autopsié des cadavres portant des uniformes polonais, exécutés par balles. Les restes du cadavre furent identifiés et restitués aux autorités polonaises venues sur place54.
En avril 2006, une plainte est déposée devant la Cour européenne des Droits de l’Homme contre la Russie en vue de faire reconnaître le crime de Katyń comme crime contre l’humanité.
Le 26 novembre 2010, la Douma russe reconnaît la responsabilité directe de Staline en votant une résolution selon laquelle les documents conservés dans les archives secrètes du Kremlin prouvent que Staline a bien ordonné personnellement ce massacre55.
Commémorations de 2010
Le 7 avril 2010, les premiers ministres polonais, Donald Tusk, et russe, Vladimir Poutine, ont participé ensemble au soixante-dixième anniversaire du massacre, à Katyń. C'est la première fois qu'un premier ministre russe s'est rendu à Katyń. Si Vladimir Poutine n'a pas demandé pardon au peuple polonais, il a prononcé la déclaration suivante : « Un crime ne peut être justifié d'aucune manière. Nous sommes tenus de préserver la mémoire du passé. Nous n'avons pas le pouvoir de changer le passé, mais nous pouvons rétablir la vérité et la justice historique56 .». Il a aussi ajouté de façon précise sur les responsabilités russes, ainsi que le cite l'agence Novosti : "Ce sont les dirigeants des services de sécurité de l'époque, le NKVD, dont Beria, et la direction politique, mais pour ce qui est des exécutants concrets, pensez-vous que je les connaisse tous par cœur? (…) Nous avons remis les documents à la partie polonaise, un million de pages"57.
Le 10 avril 2010, alors qu'il se rendait aux commémorations, le président polonais Lech Kaczyński périt dans une catastrophe aérienne lorsque son avion, un Tupolev Tu-154, s'écrase à l'approche de l'aéroport de Smolensk (Russie) avec toute la délégation polonaise à bord. Parmi les autres victimes figurent son épouse et des familles d'officiers polonais exécutés, le président de la Banque centrale de Pologne Slawomir Skrzypek, le vice-ministre des affaires étrangères Andrzej Kremer, le chef d'état-major polonais Franciszek Gągor, l'ancien président polonais en exil à Londres Ryszard Kaczorowski et le vice-maréchal de la Diète Krzysztof Putra58,59.
Katyń dans les arts
Littérature
Le massacre de Katyń est le ressort principal d'Enigma, roman de Robert Harris paru en 1995.
Cinéma
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En septembre 2007, le film Katyń60,61 d'Andrzej Wajda, dont le scénario a été écrit sur la base d'un roman d'Andrzej Mularczyk Post mortem - Le roman de Katyń, a été projeté en Pologne, avant de sortir en France en mars 2009. Le père du réalisateur, Jakub Wajda, capitaine au 72e régiment d'infanterie, fut l'un des officiers assassinés lors des massacres de Katyń62. Le film aborde le massacre sous l'angle du crime contre l'humanité mais aussi sous celui des sentiments des proches des victimes devant le mensonge des bourreaux à l'égard des proches des victimes et l'impossibilité de faire le deuil des morts ainsi instrumentalisés par des coupables qui tiennent le haut du pavé.
La sortie de ce film relance une polémique63. Le cinéaste regrette notamment le peu de diffusion à l'étranger: « Katyń n'est pas diffusé aux États-Unis, en Russie, en Allemagne. Il sort tout juste en France. Ceux qui l'ont acheté ne le montrent pas. C'est dû à l'incompétence de la télévision publique polonaise. Ce sont des mammouths du socialisme réel64». La diffusion de Katyń en France est effectivement limitée à quelques très rares cinémas de quartier, dans de toutes petites salles.
Un article publié dans L'Humanité le 1er avril 2009 cultive l'ambiguïté. Son auteur rappelle quelle a été longtemps la thèse officielle soviétique : « En 1940 à Katyń, probablement quinze mille officiers de l’armée polonaise sont purement et simplement liquidés et balancés dans des fosses. Les coupables désignés de cette extermination sont les Allemands. Moi-même, participant il y a quelque trente ans de cela à une délégation très officielle en Union soviétique, ai été invité à me recueillir à Katyń sur ce symbole de la barbarie nazie. Mais (la délégation comportait de vieux crabes, dont un des officiers supérieurs de l’escadron Normandie-Niemen) des phrases circulaient sous le manteau. L’Armée rouge aurait, sur ordre de Staline, été responsable du massacre. Le dire aujourd’hui, en Pologne de surcroît, ne relève plus du scoop ». Mais il poursuit en écrivant que le résultat ne convainc pas. « La première raison est que l’esthétique est surannée, vieillotte, académique en un mot. [...] L’autre cause de l’échec est plus subtile. Wajda intègre des documents d’archives soviétiques pour nous montrer que l’image peut mentir. Belle idée de cinéaste. Mais si l’image peut mentir, pourquoi alors ne pas douter de la version des faits rapportés par Wajda ? En bref, si je crois tout ou partie (la place manque pour soulever la question de sa représentation de l’antisémitisme en Pologne) de ce qu’il affirme, c’est à partir d’un savoir extérieur, pas d’un point de vue intrinsèque. Comme aurait dit Godard, est-ce une image juste ou juste une image ? Convaincu que l’affirmation d’une vérité suffit, Wajda n’est pas assez dialecticien pour traiter ontologiquement cette question. D’où, ce qui renvoie à notre réserve précédente, un film qui illustre son propos au lieu de secréter son discours65 ».
Dans un article publié dans Le Monde, Jean-Luc Douin critique Andrzej Wajda pour « le renvoi dos à dos des nazis et des Soviétiques comme prédateurs du territoire national » et « sur l'étrange confusion entre Katyń et le génocide des juifs. Rien, aucune allusion, dans le film, sur la Shoah, mais une description des rafles, de la traque des familles d'officiers polonais, comme s'il s'agissait de la déportation des juifs en camps. Détail troublant : ces proies d'un massacre programmé sont viscéralement attachées à leur ours en peluche. Or le Musée Yad Vashem de Jérusalem a fait de l'ours un symbole de l'extermination des enfants juifs, du martyre d'un peuple66 ». Cette analyse suscite une vigoureuse prise de position d'Adam Michnik, publiée dans le même quotidien. Michnik se déclare consterné par la « troublante ignorance » du quotidien français : « À l'époque, la Pologne fut morcelée par deux puissances totalitaires liées par le pacte germano-soviétique. La terreur dans les deux parties occupées du pays fut comparable ; la brutalité et la cruauté avec lesquelles les deux occupants emprisonnaient et assassinaient les Polonais était la même. [...] En Europe occidentale, [...] le dogme idéologique interdisait de mettre côte à côte les crimes d'Hitler et ceux de Staline. La critique du Monde est donc prisonnière de ce dogme, alors que Wajda le défie. Le metteur en scène polonais brise le mur du silence. [...] Ce fut un sujet tabou pour la gauche française. Pendant de longues années, elle garda le silence autour de l'invasion de la Pologne par l'Armée rouge, des crimes des Soviétiques, de même que sur Katyń. Jusqu'à aujourd'hui, ce tragique événement historique est un cadavre dans le placard de la gauche française, si longtemps indulgente à l'égard du Grand Linguiste, Joseph Staline67. » Une étude récente, reprenant l'histoire de Katyn et son traitement par la gauche française, notamment la diffusion par le PCF du mensonge soviétique, jusqu'à une lecture critique des articles parus dans "L'Humanité" et dans "Le Monde", s'interroge sur cette difficulté française à admettre les crimes soviétiques.souce:http://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_de_Katy%C5%84