La neige envahie par des milliers “d’insectes” inconnus en France
Claude Rémy s’est rendu sur les lieux de la découverte pour prendre des clichés et effectuer des prélèvements. Il s’est vite rendu compte que cette espèce n’était pas répertoriée en France. Photos Arnica Montana
« Mais c’est quoi ces petites bestioles ? », s’est demandé Claude Caubrières en découvrant autour de chez lui, à Val-des-Prés, des milliers d’insectes noirs posés sur la neige blanche. La petite bête mesure entre un et deux millimètres, foisonne dans une température très fraîche, s’enfouit sous la neige quand on l’approche et bondit jusqu’à 100 fois sa taille dès qu’on la touche. Assez de caractéristiques surprenantes pour qu’il décide d’en faire part à Arnica Montana, association scientifique pour la connaissance et la protection des milieux naturels des Hautes-Alpes, dont le siège est à Briançon.
Claude Rémy, le président de l’association, s’est alors rendu sur les lieux de la découverte pour prendre quelques clichés et effectuer des prélèvements. Dans son laboratoire, Claude Rémy comprend que l’insecte n’en est pas un, mais appartient à une famille qui s’y rattache : les collemboles, une espèce primitive datant de 400 millions d’années : six pattes, un furca (petite excroissance sous l’abdomen permettant le saut), mode de reproduction sexué, alimentation diverse allant des moisissures, micro-algues ou débris, et proie d’autres insectes. Mais cette espèce n’est pas répertoriée en France, encore moins dans les Hautes-Alpes.
Claude Rémy s’est alors tourné vers François Dussoulier, membre du groupe entomologiste des Hautes-Alpes (GRENHA). Mais pour les deux experts, de multiples points de questionnement restent en suspens. Pour eux, l’espèce hivernale hypogastrura existe principalement au Canada et non en France. Les analyses transmises au CNRS confirmeront peut-être cette hypothèse. Mais alors comment ces collemboles se sont-ils retrouvés à Val-des-Prés, dans le Briançonnais ?
Est-ce une nouvelle espèce qui vient d’être découverte ?
« C’est la première fois que de tels collemboles sont recensés, mais il est peu probable qu’ils viennent d’arriver. Cela reste à confirmer, mais ils sont probablement terrés dans le sol le reste de l’année. Ils diffèrent de leurs cousins des glaciers. Ils constituent un maillon important de l’écosystème pour le recyclage des matières organiques, et c’est assez curieux de ne pas savoir l’identifier. On ne sait pas, aujourd’hui, si c’est un phénomène localisé, faute de témoignages. Il serait intéressant d’en avoir plus. Si les gens y prêtaient attention, on pourrait peut-être les répertorier. Semblables à des puces de neige, ces collemboles vivent en nuées à sa surface, dans des températures allant de -6° à quelques degrés, si nous nous référons à l’hypogastura », détaille Claude Rémy.
Au-delà de sa découverte, ce petit animal pourrait engendrer de grands espoirs pour les chercheurs du monde entier. Comme certains lézards et de rares grenouilles, le collembole est capable de fabriquer une protéine antigel qui empêche la formation de cristaux de glace. Une substance qui pourrait résoudre nombre de rejets d’implantation d’organes, en permettant à ceux-ci d’être convenablement conservés, et réintroduits dès que la protéine s’est dissoute à température ambiante.
Revus lors d’un redoux après neige, les collemboles de Val-des-Prés devraient être présents encore quelques semaines, avant de disparaître sous terre. Où qu’ils aillent, ces minuscules bestioles posent en tout cas de grosses colles aux plus avertis.
Source : http://www.ledauphine.com/hautes-alpes/2013/03/15/la-neige-envahie-par-des-milliers-d-insectes-inconnus-en-france