Un Nostradamus dans le Cantal
Au cours du XIVe siècle, le moine franciscain Jean de Roquetaillade aurait prophétisé plusieurs bouleversements historiques dans ses livres.
Ses visions le réveillaient la nuit. Elles pouvaient même le transporter ailleurs, dans un pays lointain. Sitôt terminées, il les couchait sur le papier et noircissait des pages et des pages frénétiquement. Elles ont fait de lui un prophète pour la postérité.
Curieux personnage que ce Jean de Roquetaillade. Il naît à Marcolès vers 1310 et se destine à une vie de moine franciscain, pauvre et austère.
Antéchrist
Après des études à Toulouse, il rejoint le couvent d'Aurillac en 1340. C'est là que ses premières révélations le secouent. Une nuit, il se retrouve propulsé... en Chine, dans l'entourage de l'Empereur. Il aperçoit alors un mystérieux petit garçon qui, selon lui, ne peut être que l'antéchrist. C'est-à-dire l'être qui tentera de se substituer à Jésus et amènera la fin du monde, comme il est dit dans la Bible. Cet enfant reviendra le hanter toute sa vie. Et la fin du monde deviendra son idée fixe. A tel point qu'il s'intéressera à l'alchimie pour créer ce qu'il estimait indispensable à la survie du monde : l'or (pour payer les soldats) et les médicaments.
Son obsession à prédire l'apocalypse et, par la même occasion, la crise de l'Église le mène rapidement en prison. Jusqu'à sa vieillesse, il croupira dans une dizaine de cellules, de Brive à Avignon, parfois dans des conditions atroces, assis dans ses propres excréments. Et c'est derrière les barreaux que ses prophéties deviendront plus justes.
En 1346, tandis que la guerre de cent ans oppose la France à l'Angleterre, il voit poindre une défaite militaire de son pays. Trois mois plus tard, la France perd la bataille de Poitiers.
En 1356, dans un pavé de 600 pages rédigé en trois mois, Liber Ostensor (le livre qui montre), il prédit la mort proche du Pape corrézien, Innocent VI, pourtant en bonne santé. Trois ans plus tard, sa Sainteté rend l'âme.
Sa réputation de visionnaire attire alors les cardinaux qui viennent le voir en cachette dans son cachot pour connaître leur avenir.
Inquisition
Mais c'est après sa mort que sa prédiction la plus déroutante se réalise. Toujours dans Liber Ostensor, il annonce que l'Église va traverser une crise si grave qu'elle aura deux Papes à sa tête, dans la seconde moitié du XIVe siècle. Chose impensable pour le commun des mortels à l'époque. Et pourtant... En 1378, l'Occident est bouleversé par le grand Schisme qui voit les catholiques se diviser entre deux papes, l'un en Avignon, l'autre à Rome.
Au fil des siècles, en relisant ses écrits, on lui attribue d'autres prophéties plus floues : la Révolution, la Réforme, la peste...
Mais pour l'historien Sylvain Piron, Jean de Roquetaillade n'était pas doué d'un sixième sens. « C'était plutôt un excellent analyste politique. Par son parcours géographique (né en Auvergne, étudiant à Toulouse), et sa maîtrise de l'occitan, il était bien placé pour comprendre les jeux d'influence au sein de l'Église ».
L'intéressé refusait d'ailleurs d'être qualifié de prophète, assurant qu'il était surtout l'interprète de textes anciens. Mais comme le souligne un autre historien, André Vauchez, « c'était peut-être un moyen d'échapper à l'Inquisition ». Il y aura échappé. Il est mort de maladie en 1366, année où l'antéchrist devait prendre le pouvoir selon lui...
Source : http://www.cantal-leforum.com/t1801-un-nostradamus-dans-le-cantal