A la poursuite de la femme sans visage
Depuis quinze ans, des centaines d’enquêteurs allemands traquent une tueuse qu’ils sont aujourd’hui encore incapables d’identifier. Elle est partout – son ADN a été retrouvé sur plus de trente scènes de crime à travers l’Europe – et nulle part.
La semaine dernière, dans le nord de l’Allemagne, le cadavre d’une infirmière a été retrouvé à son domicile. Aux côtés du corps, un ADN appartenant à une femme traquée depuis un quart de siècle par toutes les polices du pays. Les médias l’ont surnommée « la tueuse sans visage ». Entre eux, les policiers allemands l’appellent froidement « UWP », « Unbekannte Weibliche Person » : personne féminine inconnue. Depuis quinze ans, comme un fantôme, elle apparaît par surprise. Comme un fantôme, elle disparaît sans laisser de traces. A l’exception d’une empreinte ADN retrouvée sur une trentaine de scènes de crimes en Allemagne, en Autriche… et en France.
« Extrême brutalité »
Le premier meurtre de cette tueuse, définie par les hommes de la Bundeskriminalamt (BKA, la police criminelle allemande) comme étant « mobile et d’une extrême brutalité », remonte au mois de mai 1993 : une retraitée de 62 ans étranglée avec un fil à lier des fleurs à son domicile d’Idar-Oberstein, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Kaiserslautern. S’ensuivra une folle équipée : l’empreinte ADN d’« UWP » est prélevée dans des affaires de cambriolages, de vols de voitures. Elle est également retrouvée sur une seringue d’héroïne usagée et isolée en 2001 à proximité du corps d’un homme de 61 retrouvé étranglé chez lui, à Fribourg. Elle le sera également sur un faux pistolet découvert au domicile d’un couple, victime d’une agression par « saucissonnage » à Arbois, dans le Jura, en septembre 2004. Et puis plus rien. Jusqu’au 25 avril 2007.
Tués par surprise
Ce jour-là, sur un parking de la ville d’Heilbronn, dans la région du Bade-Wurtemberg, deux jeunes policiers en tenue déjeunaient tranquillement dans leur BMW lorsqu’ils ont reçu chacun une balle dans le crâne tirée par surprise. Et sans sommation. Michèle Kiesewetter, une jeune fonctionnaire de 22 ans, décède sur le coup. Son collègue, lui, est évacué entre la vie et la mort. Il ne sortira du coma que trois semaines plus tard mais ne gardera aucun souvenir de l’attaque. Dans leur véhicule, les enquêteurs découvriront l’empreinte génétique d’« UWP »… ainsi que dans celle qui aurait servi à conduire l’assassin de trois hommes de nationalité géorgienne venus en Allemagne acheter des Mercedes d’occasion. Ils ont été tués pour deux d’entre eux d’une balle dans le crâne. Le troisième a été étranglé.
Depuis, un portrait-robot a été diffusé. Mais il présente des traits nettement masculins… Le visage porte un trait de barbe sur le menton et il s’agirait d’un individu mesurant entre 1,70 et 1,80 mètre, repéré par un voisin lors d’une tentative de cambriolage à Sarrebruck. « Cela peut être elle, déguisée, ou alors un complice », confiait récemment un enquêteur du BKA au quotidien Bild avant de préciser : « Toutes les pistes sont ouvertes : “UWP” pourrait être un transsexuel. Ou alors, cette fameuse trace ADN retrouvée à une trentaine de reprises pourrait être un leurre… » Egalement interrogé par le quotidien d’outre-Rhin, Lothar Liebig, le procureur de Frankenthal, en Rhénanie-Palatinat, fait part de sa perplexité : « Ce qu’on ne comprend pas, c’est qu’elle devrait faire plus d’erreurs car elle agit par instinct, dans l’improvisation, souvent au grand jour. Sauf qu’elle n’en fait pas. » Et la police d’espérer un faux pas. Un seul. Pour qu’enfin la tueuse sans visage en ait un.
Source : http://www.francesoir.fr/actualite/societe/enquete-poursuite-femme-sans-visage-33073.html