L'Ankou. Le serviteur de la Mort

par damino - 1809 vues - 0 com.
Mystère, légende, archéologie

Les anciens Bretons ne craignaient pas la mort, annonce du commencement d'une vie meilleure, quelque chose de simple et naturel. Mais de l'Ankou, ils avaient très peur, un personnage effrayant qui terrorisait les populations.

Voilà plus d'un siècle, Anatole Le Braz réunissait dans «La Légende de la Mort» (1893) un florilège de récits, traditions et coutumes funéraires glanés en Basse-Bretagne, surtout dans le Trégor. La richesse de la collecte - qui prolongeait celle de ses prédécesseurs - n'apas tardé à donner à la Bretagne l'image d'une province obsédée par les choses de la mort. Un personnage incarne à lui seul cet intérêt pour le Trépas: l'Ankou. Il est à la fois la Mort personnifiée et son serviteur. Son évocation à la veillée suffisait à faire trembler une assistance. D'ailleurs, on évitait de prononcer son nom: «C'est l'Ankou, le squelette à la faux, leTrépas lui-même, le moissonneur des corps. Onpréfère l'appeler Lui et dans le contexte où arrive ce Lui, tout le monde comprend», rapporte Pierre-Jakez Hélias, dans «Le Cheval d'Orgueil». Dans certaines communes, on va jusqu'à le rebaptiser. ÀPloumilliau, on l'appelle ainsi Erwanig Plouillio (petit Yves de Ploumilliau). «Le fait de donner un nom à l'Ankou montre à la fois la familiarité que l'on entretient avec la mort en Bretagne, mais peut-être aussi la crainte qu'elle inspire», analyse DanielGiraudon, dans «Sur les chemins de l'Ankou».

«Un terrible lutin »

Car l'Ankou est un personnage effrayant. Dans «Contes et légendes de Bretagne», publié à la fin du XIXesiècle, Elvire de Cerny le décrit ainsi: «C'est un terrible lutin que l'Ankou. C'est un esprit malfaisant, un démon qui rôde toutes les nuits dans les villes, les campagnes, les bourgs, les villages. Il n'erre pas seul; il a des acolytes, des servants, des pages, des piqueurs. Ce démon est partout; il se multiplie à l'infini et cause tous les malheurs qui attristent l'Humanité.(...)]C'est lui qui enlève les époux à leurs femmes, les fiancés à leurs promis; les enfants à leurs mères. C'est lui qui fait les orphelins! Il va la nuit dans les cimetières; il court de tombe en tombe; retourne les morts dans leurs suaires et les jette hors des tombeaux; mêle les ossements dans leurs chapelles et enlève les crânes des ossuaires. C'est lui qui fait revenir les âmes, qui les chasse devant lui comme des troupeaux de moutons.» Omniprésent, l'Ankou est représenté dans de nombreux édifices religieux de Basse-Bretagne. Ilfigure sur les ossuaires dans les enclos paroissiaux. Les sculptures ou les peintures le représentent toujours sous la forme d'un squelette drapé dans un linceul. Il tient une faux emmanchée à l'envers. Mais des représentations anciennes le montrent aussi armé d'une flèche ou d'une lance. Dans la tradition orale, l'effrayante description de l'Ankou peut varier d'une paroisse à l'autre. Il est souvent dépeint sous la forme d'un être sans âge recouvert d'une cape tenant une faux à la main. Plutôt que le linceul, l'Ankou est vêtu comme les gens du pays. On le décrit avec une veste à longues basques et des braies nouées au-dessus du genou. Anatole Le Braz ajoute à cette description que «sa tête vire sans cesse au haut de la colonne vertébrale ainsi qu'une girouette autour de la tige de fer afin qu'il puisse embrasser d'un seul coup d'oeil toute la région qu'il a pour mission de parcourir pour effectuer sa tâche». Quand ilse découvre, le personnage est très impressionnant. Ce ne sont plus simplement des os dénudés mais un squelette auquel sont attachées des chairs nauséabondes... Debout sur son chariot aux essieux grinçants et tiré par deux chevaux, l'un maigre, l'autre gras, ilcircule la nuit. Son funèbre convoi est appelé le «karrig an Ankou» (char à Ankou) ou «karriguel an Ankou» (brouette de l'Ankou). Accompagné de ses deux valets, il vient chercher les hommes dont la dernière heure est venue pour les emmener dans l'au-delà. Il parcourt la campagne et ramasse toutes les âmes qu'il trouve sur ses pas qu'il entasse pêle-mêle. Certains prétendent qu'il est dangereux de rester dans ses parages. Croiser son sinistre attelage ou simplement entendre grincer les roues du karrig an Ankou sont des signes annonciateurs de la mort de celui qui l'entend ou d'un proche.

Qui est-il vraiment?

Mais qui est-il vraiment? Selon les croyances, ils'agit du dernier mort de l'année qui devient l'Ankou pour l'année suivante. Dans d'autres secteurs, c'est le premier mort de l'année. On remarquera que contrairement à la Grande Faucheuse française, le Trépas breton peut donc être de sexe masculin ou féminin. Il peut aussi être jeune ou vieux. D'ailleurs, on raconte, que s'il est âgé, il ne cherchera à emporter que des anciens. S'il est jeune au contraire, il préférera des gens de sa génération. Dans certains endroits, on croit l'inverse. Le caractère de celui qui devient l'Ankou a aussi son importance. S'il était méchant de son vivant, il est à craindre qu'il y aura beaucoup de morts. Aujourd'hui, les croyances autour de la mort ont bien évolué. Mais quelques souvenirs sont encore présents. Les histoires de l'Ankou servent encore à impressionner les jeunes enfants.

Source : http://www.letelegramme.com/ig/generales/regions/bretagne/l-ankou-le-serviteur-de-la-mort-28-10-2012-1887761.php

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