L'histoire de l'homme de Kennewick
Découvert aux Etats-Unis, l'« homme de Kennewick » a les caractéristiques d'un Européen du Paléolithique.Mais que faisait cet homme si loin de « chez lui » ?
En juillet 1996, un étudiant marchant le long du fleuve Columbia,près de Kennewick, dans le nord-ouest des Etats-Unis,buta contre un crâne partiellement enfoui dans le sable. Croyant que le crâne pouvait être celui de la victime d'un meurtre ou d'un accident, il prévint la police qui retrouva le squelette presque entier.
James Chatters, un anthropologue commandité par le « coroner » du district, identifia le squelette comme étant celui d'un homme adulte, haut de 1,75 m, doté d'une dentition complète sans cavités. Chatters se demanda si le squelette n'était pas celui d'un trappeur ou d'un pionnier de l'époque coloniale, mais en le nettoyant, il eut la surprise de constater qu'un fragment de pointe de lance en pierre, taillée en forme de feuille de saule, était figée dans l'os du bassin. Il envoya un petit os de la main à l'université de Riverside (Californie) pour datation au radiocarbone. Le résultat le stupéfia : le squelette était vieux de 9 300 à 9 600 ans... C'était l'un des plus anciens jamais découvert aux Etats-Unis.
Exceptionnellement bien préservé, le squelette est celui d'un homme très différent des Indiens d'Amérique et de leurs ancêtres, des mongoloïdes d'origine asiatique. L'homme de Kennewick est caucasoïde, d'origine indo-européenne. Cinq ou six autres squelettes ou fragments de squelettes du type caucasoïde, datant de plusieurs milliers d'années, ont été découverts en Amérique du Nord.
Ces hommes seraient-ils venus d'Europe, d'où ils auraient importé une technologie très élaborée de taille de la pierre, dont les exemples les mieux connus sont les fines pointes foliacées du Solutréen, datant d'il y a 15 à 20 000 ans, dont le site majeur est le gigantesque abri de Laugerie-Haute sur les bords de la Vézère (Dordogne) ?
Des outils fabriqués grâce à la même technologie ont été trouvés sur le site américain de Clovis (Nouveau-Mexique). La civilisation Clovis était constituée de chasseurs de gros gibier, qui chassaient même le mammouth. Elle semble être apparue soudainement il y a environ 11 500 ans. On n'a trouvé que quelques fragments osseux des hommes de Clovis, mais une quantité de pointes de lances et autres objets très semblables à ceux du Solutréen.
Quelques jours apres sa découverte, le squelette fut examiné par Pr Grover S. Krantz, anthropologue à l'université de l'Etat de Washington, qui émit l'opinion qu'on ne pouvait le rapprocher d'aucun groupe actuel d'Indiens d'Amérique. Mais à la fin du mois d'août 1996, le corps de Génie de l'armée, responsable des terres appartenant au gouvernement fédéral, décida que l'ancienneté du squelette signifiait qu'il était celui d'un Native American, et qu'il tombait donc sous le coup de la loi de 1990,selon laquelle tout reste humain ou objet culturel identifié comme faisant partie du patrimoine des Indiens d'Amérique (Native Americans) doit être rendu à la tribu « appropriée ».
La presse fit état de la trouvaille et, peu de temps après, les Indiens Umatilla exigèrent que le squelette leur soit livré pour être enterré à jamais dans un site secret. Un chef religieux de la tribu déclara dans un communiqué : « Notre peuple fait partie de ces terres depuis l'origine du temps. Nous ne croyons pas que notre peuple ait immigré ici d'un autre continent, comme le pensent les scientifiques... Certains savants disent que si l'on n'étudie pas cet individu, on détruira des preuves de notre histoire. Nous connaissons déjà notre histoire. Elle nous est transmise par nos aînés et nos pratiques religieuses. »
Le corps de Génie, craignant de se mette à dos les Indiens, enferma le squelette dans un caveau de son quartier général, provoquant une levée de bouclier des anthropologues du pays. Huit d'entre eux portèrent plainte auprès du juge de la cour du district de Portland. Parmi eux, Dennis Stanford, directeur du département d'anthropologie du Smithsonian Natural Museum of History, à Washington, considéré comme un des plus grands experts en paléo-anthropologie d'Amérique du Nord, qui affirme qu'il est impossible d'établir une quelconque relation entre un squelette de 9 000 ans du type caucasoïde et des tribus d'Indiens installées dans la région.
Plusieurs anthropologues ont néanmoins eu accès au squelette avant qu'il soit mis sous clé. Ils ont pu faire quelques examens préliminaires et un moulage crânien. Une étude fondée sur la dégradation d'isotopes de carbone a montré que le régime alimentaire de l'homme était à base de poisson. Il était grand et bien proportionné, et l'aspect des sutures des os du crâne indique qu'il était âgé de 45 à 50 ans. Il n'était pas mort de la blessure causée par la lance, l'os s'étant ressoudé autour de ce fragment. Des aiguilles en os trouvées près du site suggèrent qu'il s'habillait de vêtements cousus.
Mais le plus surprenant, pour la plupart des anthropologues, c'est l'aspect caucasoïde du crâne, fort différent du type mongoloïde des « Indiens » d'Amérique.Que faisait cet homme, vraisemblablement d'origine européenne, si loin de « chez lui », il y a plus de 9 000 ans ?
Le groupe caucasoïde serait apparu en Europe, au Moyen-Orient ou en Asie Occidentale, alors que les populations pré-colombiennes en Amérique sont du type mongoloïde, originaires d'Asie centrale ou orientale. Selon l'hypothèse généralement admise, l'Amérique aurait été peuplée par des migrations d'Asiatiques, ayant traversé le détroit de Bering à l'occasion d'une glaciation qui aurait crée le « pont béringien », également emprunté par le gros gibier (mammouth ou bison). La date de la première traversée est contestée. Pour les anthropologues « classiques », elle aurait eu lieu il y a une quinzaine de milliers d'années. Mais, les datations - encore controversées - de sites préhistoriques récemment découverts en Amérique Centrale et en Amérique du Sud la ferait remonter à plus de 35 000 ans.
« Il est presque certain qu'il y a eu de nombreuses migrations, peut-être des douzaines, à différentes époques », affirme Dennis Stanford. « On ne peut pas exclure la possibilité que certaines des migrations soient parties d'Europe. »
Cette hypothèse de l'Amérique « out of Europe » est étayée par plusieurs découvertes et observations. Ainsi, le crâne d'un corps partiellement momifié découvert à Spirit Cave dans le Nevada, et datant de plus de 9 000 ans, a été comparé à une trentaine de crânes en provenance du monde entier, y compris des crânes d'Indiens d'Amérique. Il est très différent de celui des Indiens, et se rapproche plutôt de celui des Aïnous du Japon et de populations scandinaves du Moyen Age. Or, les Aïnous, autochtones des îles de Sakhaline, des Kouriles et d'Hokkaido, considérés comme les premiers habitants de l'archipel japonais, s'apparentent aux Européens et non aux Japonais. D'où viennent-ils ?
La présence, dans l'Ouest de la Chine, d'un peuple d'origine indo-européenne, les Ouïgours, constitue une autre énigme. A la fin des années 70, on a exhumé dans la région dite autonome ouïgoure du Xinjiang une centaine de momies bien conservées par l'aridité du désert, datant de 4 000 à 1 000 ans, d'origine indubitablement indo-européenne. Dans cette région, on rencontre encore des blonds ou des rouquins aux yeux bleus, aux pommettes saillantes, dont les ancêtres sont peut-être venus des bords de la Méditerranée ou du Nord de l'Europe. Certains d'entre eux ont-ils poursuivi leur migration, atteignant le Japon pour fonder le peuple des Aïnous, tandis que d'autres continuaient, traversant le pont béringien pour atteindre l'Alaska ?
Ces Indo-Européens ont-ils fondé la civilisation nord-américaine connue sous le nom de Clovis ?
L'apparition - comme la disparition - de cette civilisation reste un mystère. La présence de cette culture singulière est attestée par des douzaines de sites dans les grandes plaines de l'Amérique du Nord, où l'on a trouvé des outils de pierre en contact avec les restes d'ossements de grands animaux disparus, le mammouth, le mastodonte, le bison préhistorique. Les datations sont suffisamment précises pour affirmer que cette civilisation est apparue il y a 11 500 ans (à un siècle près), et a soudainement disparu 500 ans plus tard, à peu près en même temps que les grands animaux préhistoriques d'Amérique du Nord.
La culture Clovis était caractérisée par un outillage de pierre très sophistiqué, les pointes de silex taillées sur les deux faces, en forme de feuilles de laurier, des pointes d'ivoire de mammouth, des baguettes en os à double biseau décorées de hachures, des clés de torsion qui auraient pu servir à redresser des lances. Ces objets sont très semblables aux outils solutréens, les plus élaborés de tout le Paléolithique supérieur ; leur fabrication exigeait une grande maîtrise, notamment en ce qui concerne la technique de la retouche rasante du silex, retouche faite à l'os ou au bois.
L'anthropologue Vance Haynes,a constaté de nombreuses ressemblances entre les outils et objets trouvés à Clovis, et ceux de sites européens, en France comme en Ukraine, et plus à l'est - y compris une sépulture datant de 11 000 ans, près du lac Baïkal, en Asie.
Certains anthropologues américains n'hésitent pas à suggérer que cette technologie, qui semble être soudainement apparue en Amérique du Nord, aurait été importée par des hommes de Cro-Magnon. Ces derniers auraient atteint le nouveau continent dix mille ans avant Christophe Colomb en passant par le pont béringien. Les conflits, la poursuite du gros gibier, ou peut-être tout simplement le désir de découverte, auraient poussé de tels groupes humains à la migration.
Source : http://www.inmysteriam.fr/anciennes-civilisations-du-nord/bizarre-bizarre-cette-histoire-de-lhomme-de-kennewick.html
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